Archi-militant | Pinocchio nous rendra-t-il tous schizos?

Pour les rares d’entre vous qui ne l’auraient pas encore remarqué, une mue profonde est en train de s'opérer à Bruxelles (mais aussi ailleurs en Flandre et en Wallonie) avec une avancée très marquée des projets mixtes au détriment des horribles bâtiments professionnels de style nord-coréens. Une évolution heureuse, certes, mais qui risque de plonger architectes, promoteurs, employeurs dans une schizophrénie sévère.

Il n’y a aucun doute: à part les prostituées et les dealers qui aiment opérer au calme une fois la nuit tombée, personne ne regrettera la fin des boulevards déserts du quartier Nord à Bruxelles. Les immeubles d’un style souvent douteux occupés à 100% par des bureaux ne rencontrent plus la demande. Et de toute manière, les autorités disent depuis longtemps déjà vouloir tourner la page de cette époque marquée par la bruxellisation.

Besoin d’une illustration? Elle est donnée par Proximus. Les deux tours jumelles du quartier nord qui incarnaient autrefois la toute puissance de l’opérateur historique semblent ne plus devoir faire partie de son apparat. Et en tout cas, les espaces qui y sont disponibles sont bien trop importants pour couvrir ses propres besoins. Aujourd’hui, on sait que plusieurs scénarios sont à l’étude. Parmi ceux-ci, le projet de rejoindre cet espèce de laboratoire urbain à ciel ouvert qu'est le site de Tour & Taxis où Proximus pourrait installer ses collaborateurs dans le cocon plus humain du projet Lake Side évoqué dans nos colonnes il y a quelques mois. Là, à proximité immédiate, ses collaborateurs pourraient trouver du pain, de l’eau, un logement, et même (oh luxe suprême) des promenades dans un vrai cadre vert. Autre chose que les horribles plantes en plastique qu’on installait encore il y a peu au milieu des atriums du boulevard Roi Albert II.

Très bien, mais au-delà de ce défi logistique, encore faudra-t-il que les bailleurs puissent s’accorder avec la grande appétence des générations Z (déjà sur le marché du travail) et Alpha (encore à venir sur le marché du travail) pour les nombreux avantages “extra-légaux”qui détournent du travail: le padel, le kicker, voir les amis, faire du shopping, prendre une année sabbatique… Tous ces plaisirs sont accessibles dans et autour de Tour & Taxis. Tels des pinocchios emmenés par le renard et par son ami le chat vers le pays des jouets, ces jeunes travailleurs donneront assurément du fil à retordre à leur employeur et beaucoup de cheveux blancs à leur GRH.

C’est un sacré défi auquel sont désormais confrontés promoteurs et employeurs: offrir un cadre de travail qui soit à la fois payable, attractif pour les jeunes recrues, propice à la concentration, mais aussi esthétiquement valable, durable, acceptable pour les comités de riverains, calables dans les plans urbanistiques et j’en passe. Bref, au mitan de la période 2020-2030, une sacrée crise de schizophrénie attend nos chers promoteurs et nos chers acheteurs.

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