Autoportrait: Ariane van Dievoet (Avandi)
A l’âge de 18 ans, la Bruxelloise Ariane van Dievoet s’installa à Cambridge pour achever ses études en Art & Design. Après avoir poursuivi d’autres études à Londres, elle gagna les Etats-Unis où elle obtint un diplôme de master à la Rhode Island School of Design. Van Dievoet resta aux States, collabora avec Studio Bower, tissa son réseau avant de fonder en 2014 son propre studio à Brooklyn : Avandi. Sa première collection trouva directement sa place au SaloneSatellite de Milan, et des expositions suivirent entre autres à Paris, Londres, Miami, New York et Toronto. En 2019, Ariane Van Dievoet décida de rentrer à Bruxelles, où elle poursuit actuellement son travail pour Avandi. Et ce avec une attention toute particulière pour le durable, les matériaux de récupération et les petites productions. Un caractère bien trempé, et une introspection du même acabit !
Pour cette rubrique Introspection, intsite.be s'invite dans l'atelier d'un(e) architecte d'intérieur, d'un(e) designer ou d'un bureau de design. Aujourd'hui, c'est au tour d’Ariane van Dievoet (Avandi).
Quels sont les projets ou les objets réalisés dont vous êtes la plus fière et pourquoi ?
Ariane van Dievoet : Les deux projets dont le suis la plus fière sont l’un de mes tout premiers et le dernier projets. Entre mon premier bac et mon master, j’ai conçu l’espace et le mobilier pour Joya Brussels, une galerie de bijoux contemporains. L’idée de ce lieu était de proposer des vitrines permettant aux bijoutiers d’exposer et de vendre leur travail, sans la commission élevée que les galeries prennent généralement. Inspirée par l’ambiance art nouveau du bâtiment, j’ai dessiné un mobilier modulaire en veillant à offrir la même quantité d’espace à chaque personne.
J’ai toujours bien réfléchi aux matériaux que j’utilise, en termes de qualité et de durabilité. Récemment, j’ai décidé d’utiliser essentiellement des matériaux de récupération, issus par exemple de l’industrie de la construction ou de déchets de production. La première collection d’objets de cette facture fut lancée en septembre 2019. J’ai collaboré avec Obumex et leur fournisseur de pierres Van Den Weghe pour concevoir une série de 9 objets utilisant des chutes et des parties cassées de leurs ateliers de production. La collection fut exposée dans le showroom d’Obumex à Bruxelles pendant le Uptown Design en septembre dernier. Ce projet m’a aussi valu de remporter le Elle Deco Uptown Design Award.
Pour quel projet/objet/idée en cours de réalisation ou en préparation avez-vous de grandes attentes ?
Je dessine pour le moment mon propre espace. Passionnant, mais aussi très exigeant au niveau des choix à faire car je suis à la fois maître d’ouvrage et concepteur. Je rénove un espace dans une maison du 19e siècle dans le centre de Bruxelles. J’utilise pour ce faire principalement des matériaux de récupération. Les matériaux réutilisables qui sont évacués sont conservés pour en faire des objets et du mobilier.
Quel projet d’un(e) autre architecte d’intérieur ou designer belge est pour vous une belle réussite ?
J’ai découvert le travail d’Axel Vervoordt par ses expositions dans le Palazzo Fortuny à Venise. J’ai été inspirée par l’atmosphère fantastique qu’il parvient à créer en jouant sur les contrastes entre éléments issus de différentes périodes. La relation entre objets et matériaux est subtile et élégante et donne des espaces à la fois confortables et dynamiques.
Quel(le)s architectes d’intérieur ou designers étrangers sont pour vous source d’inspiration ?
J’ai débuté ma carrière à New York, et le petit monde du design à Brooklyn a eu un impact durable sur mon travail. Il y a là un important sentiment communautaire et la plupart des concepteurs sont aussi eux-mêmes des artisans. Beaucoup m’inspirent, comme Pat Kim, Ladies & Gentlemen Studio et Bower. J’admire aussi le travail du studio Visibility pour sa diversité et son approche ludique du design.
Avec quels matériaux et/ou techniques préférez-vous travailler ?
Je travaille volontiers avec différents matériaux et techniques. Expérimenter avec aussi bien les contraintes que les possibilités inspire et anime mes réalisations. Je suis très soucieuse de l’impact de ma production sur l’environnement. Donner une nouvelle vie aux matériaux me permet de réduire la quantité de déchets dans mon processus de production. Avec l’aide d’artisans et de collaborateurs de talent, j’ai tourné le bois et le métal, poli la pierre, découpé le cuir … Je place les matériaux côte à côte pour accentuer au mieux leur texture et leur forme, toujours avec une grande attention pour les détails.
Quel(le) jeune architecte d’intérieur ou designer belge vous impressionne le plus actuellement ?
J’aime la simplicité du travail de LeviSarah, aussi la poésie dans la porcelaine de Frédérique Ficheroulle.
Qu'est-ce qui vous fascine dans votre métier de designer ? Encourageriez-vous les enfants à suivre vos traces ?
J’apprécie le fait de constamment explorer et expérimenter. Le design est la recherche permanente de solutions créatives à un besoin ou un problème, qu’il s’agisse d’un espace, d’un objet ou d’une ligne de produits. Il faut se réinventer sans cesse et puiser son inspiration dans le monde qui nous entoure. J’aimerais que mes enfants aient cette approche du monde et réfléchissent en termes de solutions, peu importe le secteur dans lequel ils travaillent.
Quelle rencontre a été décisive pour votre épanouissement professionnel ?
Travailler chez Bower à Brooklyn m’a beaucoup appris sur la conception et la production circulaires, tout comme travailler avec des artisans locaux. C’est en travaillant avec eux que j’ai pris la décision de franchir le pas et de fonder Avandi.
Vous reconnaissez-vous toujours dans la jeune et ambitieuse étudiante que vous étiez ? La réalité de votre métier est-elle conforme à ce que vous imaginiez ?
Pendant mes études, j’ai beaucoup appris sur les concepts, la créativité et l’inventivité. J’ai également appris à travailler le bois et le métal et à collaborer avec d’autres pour créer un meilleur projet. Ce que l’on n’apprend pas toujours à l’école, c’est comment trouver des clients, mettre ses produits sur le marché et gérer une entreprise. Un bon concept n’est pas synonyme de réussite entrepreneuriale, si personne ne connaît le produit. J’ai dû l’apprendre progressivement.
Quel est le tout premier objet design que vous avez acheté ?
A l’âge de 10-12 ans, j’ai acheté une lampe Nessino sur une vente de chantier. Cette lampe de Artemide est une réédition de la lampe Nesso conçue par Giancarlo Mattioli et Gruppo Architetti Urbanisti Città Nuova. Dans le glamour des années 60, Nesso était une icône internationale pour une création futuriste et démocratique.
Quel est actuellement l’objet design le plus important de votre intérieur ? Pourquoi ?
Quand j’étais au début de la vingtaine, j’ai eu l’opportunité par l’école de design d’acheter une des premières éditions de la chaise LCW de Charles et Ray Eames. Ce fut mon premier gros investissement en design. Eames reste une importante source d’inspiration pour moi, tant pour la diversité de son œuvre que pour le côté ludique et expérimental dans sa conception.
Admettons que vous n’ayez pas de limites financières… Quel serait selon vous l'objet design ultime que vous installeriez chez vous ?
Un système d’étagères vintage Vitsoe 606 de Dieter Rams. Très difficile à dénicher parce qu’il est modulaire et reste compatible avec de nouveaux éléments. Les gens ne veulent donc pas s’en séparer.
Questions subito presto
Quel métier exerceriez-vous si vous n'étiez pas designer/architecte d’intérieur ? Enfant, je voulais être dentiste ou vétérinaire pour animaux sauvages.
Quelle formation avez-vous suivie et où ? BA (Hons) Interior and Spatial Design, Chelsea College of Art (UK) and MDes Interior Studies, RISD (USA)
Chez qui avez-vous fait un stage ? Wiels (Bruxelles, BE), Charles Kaisin (Bruxelles, BE), 212 Box (New York, NY), Bower (Brooklyn, NY)
Quel était le titre de votre travail de fin d’études ? ‘A window of opportunity’
Votre livre de design ou de déco d’intérieur préféré ? ‘Dieter Rams: As little design as possible’ par Sophie Lovell
Un autre livre préféré ? ‘Harry Potter’ J.K. Rowling – les sept tomes
Votre film préféré ? ‘Objectified’ par Gary Huswit
Votre programme ou série télé préféré ? Last week tonight avec John Oliver (HBO)
Votre style de musique préféré ? Jean-Jacques Goldman
Avez-vous beaucoup de temps libre et comment l’utilisez-vous ? Comme je combine le travail freelance avec mon propre studio, je n’ai pas beaucoup de temps libre. Je visite cependant volontiers des expositions d’art et de design, je voyage et lis de bons livres.
Votre ville belge préférée ? Après 12 années passées à l’étranger, je suis contente d’être de retour à Bruxelles. J’aime cette ville toujours davantage.
Et votre ville européenne préférée ? Londres.
Dans quel pays aimeriez-vous être né(e) et avoir grandi ? Être née et avoir grandi en Belgique n’est évidemment pas mal. Sinon, j’aurais aimé naître en Suède ou au Danemark, à cause de leur relation saine avec la nature et leur politique en faveur de l’humain.
Etes-vous un sportif actif ou passif ? Quel sport pratiquez-vous ? Je pratique la danse (tap, jazz dance, zumba)
Votre site internet professionnel favori ? Dezeen
Votre autre site favori ? Netflix