Autoportrait : Stéphane Beel

En 2013, la journée de l'architecture organisée en Flandre a ouvert au public deux projets de Beel & Achtergael Architecten : la maison de la culture de Warande à Turnhout et le commissariat de police de Bruges. Architectura a pu convaincre Stéphane Beel de faire son autoportrait et de nous parler de ses réalisations et ses inspirations.

Quels sont les projets qui vous procurent le plus de fierté, et pourquoi ?

Il m’est difficile de mettre en avant un projet en particulier. Mais il est évident qu’il y a des jalons, des moments plus forts que les autres.  Parfois, ils se révèlent directement, parfois aussi après coup. Je considère le Musée M à Louvain et la Villa M à Zedelgem comme de tels jalons. La villa M à Zedelgem  a bientôt 20 ans et ce fut l’un de mes premiers projets résidentiels, à la construction duquel j’ai moi-même participé. Avec lui, j’ai remporté en 1988 le plus important prix international de l’époque : le International Eternit Prize dans la catégorie logements individuels.

Je vois les nouveaux donneurs d’ordre comme autant d’occasions d’enrichir mon expérience avec de futurs bâtiments. Pas tellement dans le sens où j’expérimente réellement mais plutôt pour leur faire prendre conscience du fait qu’ils ne vont pas obtenir la même chose, même si l’idée de base reste toujours la même. On connaît forcément une certaine évolution sur laquelle on construit sans cesse.

 

Quel projet d’un autre architecte belge est selon vous un coup dans le mille ?

Je suis très exigeant avec moi-même, donc je le suis aussi avec les autres. Je peux tout à fait apprécier une autre architecture mais ce sont bien souvent des éléments en particulier qui me séduisent.  Ainsi, il y a des choses qui me plaisent dans le travail de Coussee & Goris, tout comme certains aspects chez OFFICE Kersten Geers David Van Severen, mais aussi le travail d’autres architectes.

On oublie d’ailleurs trop souvent que la Flandre compte de nombreux architectes de talent. Je trouve que le choix du Maître-architecte flamand se porte souvent sur des architectes étrangers pour de gros projets, ce qui donne peu de chances aux architectes flamands et les obligent quasiment à s’associer avec des étrangers.

 

Quels architectes étrangers sont pour vous une grande source d’inspiration ?

En général, j’apprécie le travail de Herzog & De Meuron, tout comme celui de SANAA et OMA. Mais également des projets de Gigon/Guyer Architekten et Aires Matheus.  L’Espagne et le Japon sont architecturalement parlant très forts. L’Italie est actuellement un peu sur le déclin. Je dois aussi citer l’architecte suisse Luigi Snozzi.

 

Quels projets récents construits à l’étranger considérez-vous comme particulièrement réussis ?

Il s’agit ici aussi le plus souvent d’aspects particuliers qui me passionnent comme dans les thermes de Vals de l’architecte Peter Zumthor. Dans ce cas, c’est la manière de créer des ouvertures vers l’environnement, ainsi que la façon dont est organisé le complexe. Mais, en même temps, j’ai des commentaires à faire.

 

Quel jeune architecte belge vous impressionne le plus pour le moment ?

J’ai déjà mentionné OFFICE Kersten Geers David Van Severen. Je trouve important qu’on laisse aux jeunes bureaux le temps de grandir. OFFICE a participé à de nombreux concours à l’étranger et en a même remporté quelques-uns. Le jeune bureau a ainsi reçu la mission de construire une ville. En prenant de l’âge, on prend sans doute ce genre de choses avec plus de réserve. On s’engage en effet pour tant de vie humaines.

 

Quels aspects du métier d’architecte trouvez-vous passionnants ?

Ce que je trouve passionnant dans mon travail, c’est la variété ; chaque projet est différent. On vous demande de réfléchir à des problèmes qui touchent à l’organisation de vies humaines, à la beauté des choses et à l’organisation pure et simple de la vie des gens. Comment s’y prendre ? Comment en faire quelque chose de passionnant ? Comment se faire rencontrer les gens ? De plus, on a  l’occasion de montrer des choses qui sont visibles sur place. Mais comment le faire apprécier pleinement ?

 

Quelle rencontre fut décisive pour votre épanouissement en tant qu’architecte ?

Je me pose régulièrement la question, sans pour autant qu’elle m’obnubile. On apprend essentiellement pendant sa formation et on s’épanouit soi-même. Fréquentant des architectes et des étudiants en architecture, je me suis à un moment donné perdu dans l’architecture. Je me souviens malgré tout d’une rencontre avec Alvaro Siza dans le cadre d’une conférence sur les bâtiments muséaux et les constructions liées à l’art.  

 

Un peu de tout

Quel autre métier auriez-vous voulu exercer ? Probablement archéologue. En tous cas un métier où l’on fait soi-même quelque chose. C’est le cas de beaucoup de métiers. L’archéologie comprend moins cette idée de faire soi-même mais se concentre plutôt sur l’examen de choses qui ont déjà été fabriquées. D’un autre côté, on pourrait peut-être faire quelque chose avec ces réalisations, une reconstruction.

Où avez-vous suivi votre formation en architecture ? Sint Lucas à Gand et l’Institut supérieur d’architecture de la ville de Gand.  

Chez qui avez-vous été stagiaire ? J’ai en fait suivi des stages dans mes propres projets, donc pas de manière traditionnelle. J’ai ainsi pu concevoir le siège provincial de la banque Bacob, sous la direction de Luk Morel. J’ai naturellement été chercher des conseils chez d’autres architectes en fonction, dont mon cousin, pour enrichir mes compétences dans de nombreux domaines.  

Quel était le titre de votre travail de fin d’études ? ‘Een architectuurschool’ (une école d’architecture). J’en ai réalisé l’étude exploratoire avec De Kooning (frère de Emiel De Kooning). Je trouvais les écoles d’architecture à l’époque trop peu orientées vers la pratique, et c’est d’ailleurs toujours le cas. J’ai imaginé des locaux où l’on pouvait expérimenter avec des matériaux.

Votre livre d’architecture favori : Le livre de Philip Johnson sur Mies van der Rohe, quand Mies s’occupait encore pleinement d’architecture. C’est un petit bijou qui n’est plus disponible en librairie.

Votre livre favori (hors architecture) : ‘Le baron perché’ d’Italo Calvino, qui décrit un jeune qui n’arrive pas à s’adapter à la société. Également 'De heilige wereldoorlog’  de Jef Lambrecht.

Votre film préféré : Mon régisseur préféré est Michelangelo Antonioni. J’ai vu son film ‘Il Deserto Rosso’ quand j’étais étudiant, une oeuvre qui traduit bien la force poétique de l’image. J’ai également retenu ‘Profession Reporter'. Il y a aujourd’hui aussi des régisseurs que je trouve importants. Ainsi, le récent film ‘Brokeback Mountain’ de Ang Lee m’est resté en tête.

Votre programme télé préféré : Quand je regarde la télé, ce sont des programmes d’information, dont certains finissent par m’irriter.

La musique que vous préférez : J’aime la musique jouée avec amour pour le métier. Comme celle de la violoncelliste Jacqueline du Pré. Il m’est arrivé de dessiner un projet sur la quatrième symphonie de Mahler. J’apprécie non seulement la musique classique mais également le blues, funk, Motown,… La plupart du temps, il s’agit de périodes. Le Jazz de Lester Bowie me plaît aussi, de même que la musique répétitive de Reich avec une chorégraphie de Anne Teresa De Keersmaeker. Car j’ai encore une passion pour la danse. Je suis ainsi allé voir Pina Bausch au Tanztheater à Wuppertal

La ville belge que vous préférez : Bruxelles et Gand ont toutes deux des qualités. Bruxelles est la seule grande ville en Belgique digne de ce nom. Bruxelles est une sorte de ville du monde. Gand par contre est une ville au passé riche où il y a encore beaucoup à réaliser. C’est une ville complète où la vie universitaire et la vie normale se rencontrent. Il manque cependant à Gand le grand geste.

Êtes–vous sportif, actif ou passif ? Quel sport ?  

Pendant les vacances, je nage activement. Jadis, j’étais actif sur plusieurs terrains, notamment la course, mais j’ai dû arrêter pour raisons de santé. Comme sportif passif, je suis le Tour de France, surtout les étapes de montagne. Je me suis déjà rendu en Suisse en vélo. On a plus d’estime pour les sportifs quand on a pratiqué soi-même.

 

 

 

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