Construite sur le site d’un ancien charbonnage des hauteurs de Liège, la clinique MontLégia accueille l’activité des trois cliniques liégeoises du Groupe Santé CHC. L'installation progressive des patients et des équipes médicales s'effectue en cette fin du mois de mars. La conception de l’hôpital a été réalisée par le bureau Assar Architects (et Hoet+Minne) en association avec artau architectures. Des dizaines d’entreprises, parmi les plus grosses de Wallonie et de Belgique, ont participé à la construction de cet établissement de plus de 800 lits.
La Clinique MontLégia est la figure de proue d’une zone où l’on trouve déjà une maison de repos et qui contiendra à terme une zone d’activités économiques, des bâtiments (bureaux, labos et salles blanches pour des entreprises de biotechnologies), le siège administratif du Groupe Santé CHC, un écoquartier et divers projets mixtes… mais pas d’hôtel pour les accompagnants des patients, au grand regret des architectes. Avec un peu plus de 700 lits d’hospitalisation classique et une centaine de places en hôpital de jour, la Clinique se situera dans les mêmes capacités médicales que les deux autres gros ensembles hospitaliers régionaux, le CHU Sart-Tilman et le CHR Citadelle.
Un œil vers le futur, un œil sur le passé
La Clinique MontLégia s’élève là où, dans le passé, la société Patience & Beaujonc exploitait un charbonnage. Le site, fermé en 1929, était resté en friche jusqu’à ce que la direction du Groupe Santé CHC ne décide d’y regrouper ses trois établissements hospitaliers liégeois, Saint-Joseph, Espérance et Saint-Vincent. « Construire un nouvel hôpital offrait les meilleures garanties pour le patient en terme d’accessibilité et de confort, mais également pour les acteurs de soins », explique-t-on au Groupe Santé CHC. L’objectif était également d’envisager les grandes lignes stratégiques pour les 30 à 40 ans à venir, notamment en valorisant les synergies entre les différents services médicaux. Et la boucle se bouclait puisque l’Espérance et Saint-Joseph servaient jadis de dispensaire pour les ouvriers du charbonnage liégeois !
Regrouper, mais séparer
Selon Pierre Maurice Wéry, architecte associé chez Assar, « chaque hôpital doit reprendre le cœur des valeurs de son maître d’ouvrage. » Pas question donc de proposer au Groupe Santé CHC le concept utilisé au CHIREC (Auderghem) ou à Maria Middelares (Gand), deux autres hôpitaux récemment conçus par Assar. « Le Groupe Santé CHC avait deux volontés qui ont conditionné l’organisation : distinguer le ‘pôle mère-enfant’ du ’pôle adultes’ et avoir l’hospitalisation à côté des services médico-techniques. Pour y répondre au mieux, le concept proposé a été celui de la juxtaposition. Les ailes comprenant les unités de soins adultes et les services liés à la mère et à l’enfant ont été dissociés, ces derniers venant prendre place le long d’un autre bloc qui regroupe les fonctions médico-techniques. Grâce à cela, nous avons pu créer une rue médicale faisant la jonction entre les unités de soins et les services médico-techniques. Les différents flux dans l’hôpital ont donc pu être séparés de manière très claire. »
Une conjugaison de talents
Pour réussir un tel projet, il faut conjuguer plusieurs talents au sein de l’équipe de conception. Au MontLégia, celle-ci se composait d’un Architecte, Project Manager de l’association, qui veille à l’esthétique et à la cohérence architecturale ; de concepteurs hospitaliers, qui apportent leur connaissance de ce bâtiment spécifique qu’est un hôpital ; d’architectes techniciens, qui amènent leur maîtrise spécifique (façades, parachèvements…) ; d’‘équipes de bottines’, qui vivent sur le chantier et suivent l’exécution. Pierre Maurice Wéry : « La méthodologie d’Assar, c’est d’attaquer chaque projet en équipe. Une pluralité de vues qui permet au bâtiment fini de correspondre visuellement au croquis de départ et conceptuellement au projet approuvé par le maître de l’ouvrage. Notre travail est pleinement réussi s’il est invisible pour qui parcourt le bâtiment. Le défi est que la complexité soit maîtrisée, qu’elle paraisse naturelle et que l’on ne voit pas les moyens mis en œuvre. »
L’hygiène, élément capital
« Nous avons fait des propositions en terme d’éclairage, des éléments techniques visibles et des produits à mettre en œuvre », explique Alwin Fable, architecte hospitalier en charge du projet. Car l’hygiène est cruciale dans un hôpital. « En tant que concepteurs hospitaliers, nous avons une responsabilité importante quant à l’hygiène. Le premier défi est de répondre au projet médical. A ceci s’ajoute le confort du patient, le respect d’un grand nombre de normes, l’hygiène et les séparations de flux. Notre apport est de réussir à combiner tout cela, à créer un lieu qui soit agréable à vivre - et le moins traumatisant possible - pour le patient et offre un confort d’utilisation pour le personnel. »
Les spécificités du projet
Concernant la consommation énergétique, « les bâtiments de l’aile blanche, qui contiennent notamment les chambres d’hospitalisation, sont des bâtiments ‘basse énergie’ », explique Alwin Fable. « Ils sont munis d’une épaisse couche d’isolant sur une structure en aluminium et sont revêtus de panneaux de façade en céramique. Dans le bloc médico-technique, par contre, les blocs opératoires et les autres services lourds consomment énormément d’énergie. Il n’est donc pas possible qu’un tel bâtiment soit passif. » Notons encore que, sur les 24 salles d’opération, la majorité sont baignées par la lumière naturelle.
Quant aux chambres, « nous avons voulu qu’elles ressemblent au maximum à celles d’un hôtel », précise Pierre Maurice Wéry. « Des architectes spécialisés dans l’hébergement ont collaboré à la conception des chambres, que nous avons voulues compactes et confortables. » Elles se caractérisent également par des fenêtres à l’allège et au linteau situés plus bas qu’habituellement. « Nous avons ‘descendu’ les façades afin que les patients puissent voir l’animation, la vie, et pas seulement les nuages. De plus, nous avons limité le rayonnement solaire qui réchauffe souvent excessivement la chambre et le patient. » Une technique qui permet donc d’éviter l’usage de stores extérieurs ou de ventelles.
Les principaux défis du chantier
Le premier défi était de construire un tel ‘mastodonte’ sur un terrain ‘gruyère’ ayant accueilli des puits de mine et, depuis près d’un siècle, des remblais de tous genre qu’il a fallu trier. Un nombre impressionnant de pieux – 2300 – ont été battus dans le sol afin d’assurer la stabilité du bâtiment.
Le deuxième a été de rassembler autour d’un projet commun les équipes provenant de trois hôpitaux. Alwin Fable : « Lors de la conception, nous avions face à nous trois équipes et donc trois visions de travail différentes. Un travail en amont a été nécessaire pour en arriver à une vision commune. L’architecte peut jouer un rôle important dans ce domaine. Les membres du personnel ont pu travailler dans les autres hôpitaux afin de mieux se comprendre et dégager des synergies de travail pour le futur. »
Le troisième défi est particulier. Dès la conception, il a en effet fallu penser à aménager 7 ha d’habitat destinés… aux crapauds calamites, une espèce protégée qui devait rester sur le site.
Les problèmes et les défis font partie de tout projet constructif. Le tout est d’aborder les choses de manière posée et réfléchie, comme l’explique Pierre Maurice Wéry : « Une façon de transcender les problèmes, c’est de se dire que le client n’est pas le maître d’ouvrage mais bien le bâtiment lui-même. Si tout le monde se met du même côté de la table et considère le projet comme étant le client, la posture de chacun sera au service de ce projet. »
Au vu de ce qui s’annonce ces prochaines années, tant dans le domaine hospitalier (la nouvelle Clinique St Pierre à Wavre) qu’à d’autres niveaux (développement du bureau de Paris, croissance des équipes belges), les architectes d’Assar mettront encore leur méthodologie particulière au service de leurs projets.