Les conséquences du changement climatique devenant de plus en plus tangibles, la nécessité de la construction adaptée au climat augmente. Et pourtant, ces principes sont encore trop souvent négligés. Une contradiction étrange, de l’avis de Luc Eeckhout, architecte et spécialiste en la matière. Il préconise un changement des mentalités et une meilleure collaboration.
Luc Eeckhout est directeur du bureau d’architecture et d’urbanisme durables evr-architecten. Il est également professeur invité à la KU Leuven. Il nous explique les conséquences du changement climatique et l'importance de la construction adaptative au climat. Celle-ci tient compte des changements climatiques (futurs) dans le processus de conception. Une approche de la construction qui ne peut s’envisager sans une stratégie d'isolation bien pensée.
Les architectes comme les entrepreneurs ont tout intérêt à intégrer dans leur travail les cinq piliers du changement climatique et surtout, la solution de construction liée.
« On dirait que le secteur n’a pas encore vraiment conscience des implications du changement climatique pour la construction. Il n’y a qu’à voir la législation actuelle de la construction, qui regarde plus dans le rétroviseur que vers le futur. » Et cela, alors que le changement climatique se fait clairement sentir.
« Nous devons concevoir des bâtiments qui se réchauffent moins vite, pour ne pas avoir à les refroidir à l'aide de techniques dépendantes du carbone - car sur ce point, le secteur du bâtiment semble se comporter comme si les accords sur le climat ne le concernaient pas. Pour cela, il faut combiner l'isolation et la protection contre le soleil. L’isolation retient la chaleur par le toit et les murs, tandis que les écrans solaires empêchent la chaleur de pénétrer par les fenêtres. Car une fois que la chaleur est entrée dans le bâtiment, une bonne isolation la garde à l'intérieur. La protection solaire ne doit d’ailleurs pas forcément être un écran. Elle peut faire partie de la conception, de l'architecture. Les toits plats noirs, eux, ne sont vraiment plus de mise. »
De toute manière, il ne faut pas oublier qu'une bonne isolation thermique garde non seulement le froid, mais aussi la chaleur à l’extérieur. En plus, on peut tenir compte de l'étanchéité à l'air et surtout de la ventilation. En effet, cette dernière peut avoir un effet rafraîchissant lorsqu'il fait moins chaud dehors que dedans. Ce n'est pas pour rien que l'isolation, l'étanchéité à l'air et la ventilation sont pour nous ‘la sainte trinité de la construction’.
« Je considère les inondations comme celles en Wallonie ou dans le Westhoek comme un point à part, même si elles sont bien évidemment étroitement liées au premier pilier. Certains endroits se retrouvent dans l’embarras à cause des fortes pluies, d’autres par les inondations. S’il s’agissait jusqu’à peu d’exceptions, ces phénomènes vont se reproduire de plus en plus régulièrement. »
À ces cinq piliers du changement climatique, Luc Eeckhout ajoute encore un point important. « Tous ces phénomènes sont là pour durer : les jours secs et chauds s’enchaînent, tout comme les périodes humides, qui n’en finissent pas. C’est un phénomène météorologique d’un genre nouveau, qui remet en question nos paramètres de construction. »
Voilà qui accroît encore la nécessité d'une approche de la construction adaptative au climat. Un exemple : « Quand un bâtiment est soumis à un stress thermique, nous pensons qu’une nuit fraîche suffira à le refroidir. Mais si cette nuit ne vient pas et que la chaleur persiste pendant des semaines, nos infrastructures sont réellement en difficulté. »
La conclusion est donc très claire. « Nous devons abandonner tout conservatisme et changer complètement d’état d’esprit. Afin que le secteur fasse partie de la solution, et pas du problème. En d’autres termes, construire de façon adaptée au climat. Lors de la création et la réalisation de projets, nous devons miser sur des bâtiments capables de résister au changement climatique, aujourd’hui comme demain. » Pour Luc Eeckhout, une législation adéquate est également nécessaire. « Trop souvent, le constructeur respectueux est pénalisé, et celui qui pollue est subsidié. » Bref, il revient à chacun de prendre ses responsabilités.
Et pour que tout un chacun, lors d’un projet de rénovation ou de nouvelle construction, adhère à l'idée de l’adaptativité au climat, l'architecte semble avoir un rôle très important à jouer. « Ce qui peut aider, c’est de sonder les expériences personnelles. Demandez à vos clients comment ils ont vécu la canicule, et ils réaliseront immédiatement l’importance de penser aux mesures d'adaptativité au climat dès le stade de la conception. »
Comme nous l’avons dit dans le volet sur le stress thermique, il est crucial de bien isoler et de compléter cette isolation par une protection solaire. Luc Eeckhout estime que les maisons neuves, ou du moins celles où le constructeur s’est montré plus ambitieux que les exigences d’isolation actuelles, sont parfaitement isolées. « Comme une grande partie de la chaleur entre par les fenêtres, malgré les exigences en la matière, les températures peuvent atteindre 35 degrés et plus. »
L’architecte expérimenté préconise une bonne concertation entre entrepreneurs. « L’entrepreneur qui se concentre sur l’isolation dans un projet, doit collaborer avec celui qui se charge de la protection solaire. Ils sont partenaires dans l’affaire, car ils contrôlent ensemble la température de la pièce. En travaillant ensemble, ils peuvent évaluer quelle proportion donnera le meilleur résultat. »