Comment les architectes et les concepteurs peuvent-ils non seulement répondre aux conséquences du changement climatique, mais aussi contribuer à la solution ? Lors d'une table ronde organisée dans le cadre du salon Futurebuild Belgium et animée par Bertrand Lafontaine (rédacteur en chef d'Architectura.be), trois experts se sont penchés sur la nécessité d'une approche holistique et interdisciplinaire.
Participants à la table ronde :
Publication originale sur www.architect.be
Selon Regis Verplaetse, la construction à l'épreuve du climat n'est pas figée. « Le changement climatique se poursuit et nous ne savons pas exactement comment il évoluera. C'est pourquoi je préfère parler de construction adaptative. Nous devons non seulement protéger les bâtiments des effets du changement climatique, mais aussi contribuer à l'atténuation climatique. Cela nécessite une approche globale et intégrée, dans laquelle les architectes ne s'intéressent pas seulement au bâtiment, mais à l'ensemble du contexte. « Les bâtiments doivent être à l'épreuve du temps, conçus pour les générations futures, ce qui requiert une coopération interdisciplinaire et une approche à long terme ».
Selon Jan Van Cakenberghe, en construisant en tenant compte de la nature, nous renforçons à la fois la biodiversité et la qualité de notre environnement. « En effet, un cadre de vie sain est inextricablement lié à une nature en bonne santé ».
Pour Geertrui Goyens, la biodiversité est en effet un aspect crucial de la construction durable. « La biodiversité et la gestion de l'eau sont intimement liées. Nous devons intégrer les bâtiments dans leur environnement et nous engager à restaurer la nature. Chez Sweco, nous appliquons une approche en trois étapes : premièrement, nous préservons l'existant, ensuite nous restaurons le réseau bleu-vert, jusqu’à parvenir à un maillage adéquat, et enfin nous intégrons la nature dans et autour des bâtiments ».
Selon Regis Verplaetse, les jardins privés et les sites industriels présentent eux aussi un potentiel énorme. « La Flandre est très urbanisée, mais si nous construisons en intégrant la nature, nous pouvons interconnecter des zones naturelles fragmentées. La nature est fragile certes, mais elle est aussi résiliente. De petites interventions, comme l'intégration d'éléments paysagers, peuvent déjà avoir un impact important ».
Outre le design et la biodiversité, les matériaux jouent également un rôle important. Jan Van Cakenberghe : « Les matériaux biosourcés ne sont pas seulement performants, ils sont aussi souvent circulaires. Ils constituent donc un choix sûr et résolument tourné vers l'avenir. Toutefois, il est important que les clients ne s’arrêtent pas au coût initial, mais qu'ils prennent également en compte le cycle de vie des matériaux. Les analyses du cycle de vie permettent de calculer les coûts environnementaux sur une plus longue période et donc de faire des choix durables ».
Regis Verplaetse ajoute qu'il est essentiel d'analyser l'impact d'un bâtiment dans son contexte social. « Nous devons nous pencher non seulement sur les exigences actuelles, mais aussi sur l'histoire du territoire et du paysage et les interactions que les habitants entretenaient avec eux. En intégrant ces connaissances, nous pouvons mieux répondre à l'évolution naturelle de notre environnement ».
Malgré les avantages de la construction adaptative au climat, il y a aussi des obstacles. Geertrui Goyens attire l'attention sur le niveau d'ambition des maîtres d'ouvrage. « C'est à nous de les inspirer et d'élever leurs ambitions pas à pas. Pourtant, en tant qu'experts, nous sommes souvent impliqués trop tard dans le processus, ce qui nous fait manquer de précieuses opportunités. Il serait aussi bénéfique que les facultés d'architecture accordent plus de considération à cette question. »
Regis Verplaetse préconise également une meilleure intégration de l'analyse paysagère dans l'architecture. « Les architectes paysagistes sont souvent censés être impliqués, mais leurs analyses ne sont pas toujours incorporées dans la conception. Cela conduit à des ajustements ad hoc qui ont peu d'impact. Il serait beaucoup plus efficace de prendre d'emblée le paysage comme point de départ de la réflexion ».
Selon Jan Van Cakenberghe, le rôle de l'architecte doit être reconsidéré. « Les architectes sont souvent considérés comme des figures centrales qui doivent tout coordonner, mais avec la complexité croissante des projets, ce n'est plus faisable. Une collaboration interdisciplinaire dès le départ se révèle donc indispensable ».
La table ronde se conclut sur un message clair : le secteur de la construction doit cesser de se focaliser sur les définitions traditionnelles du confort et de la valeur ajoutée. Regis Verplaetse : « Parfois, un espace ouvert et naturel entre les bâtiments a plus de valeur qu'une construction supplémentaire. Le vert augmente la qualité de vie et aide les villes à mieux réagir au changement climatique ».
Geertrui Goyens souligne la nécessité de disposer de données chiffrées. « Les recherches montrent que le prix de vente des bâtiments intégrant des éléments naturels augmente de 10 %. Plusieurs outils existent pour calculer cela, comme le Climate Adaptation Tool et le Nature Value Explorer, mais ils sont encore sous-utilisés. »
La conclusion essentielle ? Selon Jan Van Cakenberghe, nous devrions nous engager pleinement dans la construction biosourcée et circulaire. « Cela contribue non seulement à la résilience climatique, mais fait aussi partie de la solution face aux problèmes économiques et pour la transition vers une économie circulaire ».
Regis Verplaetse résume la situation en ces termes : « Nous ne devons pas éponger tout en laissant couler le robinet. Nous devons construire moins, réutiliser davantage et réduire radicalement les émissions. Ce n'est qu'à cette condition que nous pourrons réellement assurer un avenir résilient ».
Ce panel a été réalisé en collaboration avec Orde van Architecten.