Une remarquable structure en béton coulé en place donne une esthétique puissante à la crèche Nieuw Kinderland à Bruxelles. De même, la structure est une réponse singulière de l’équipe de conception Burobill et ZAmpone Architectuur au manque de superficie et d’espace de jeu extérieur de la crèche. La solution créative du projet favorise également les échanges sociaux entre tous les utilisateurs de la crèche et de l’école voisine.
En 2011, la Commission communautaire flamande a acheté le site Nieuwland à Bruxelles en vue d’y ouvrir un nouveau complexe scolaire. Des écoles tant néerlandophones que francophones étaient présentes sur le site au moment de l’acquisition. Par ailleurs, plusieurs associations, consacrées de différentes façons à l’enfance, souhaitaient s’installer sur le site : Baboes, Opvoeden in Brussel, Deeltijds kunstonderwijs (DKO), l’académie de musique de Bruxelles et la crèche Sint-Lutgardis.
L’exploitant de la crèche Nieuw Kinderland s’est vu attribuer une place au deuxième étage dans la jonction de deux bâtiments existants. Pour réaliser le programme destiné à 68 enfants, l’ASBL Kinderopvang Sint-Lutgardis a donc fait appel à Burobill et ZAmpone Architectuur.
Les deux équipes ont basé leur projet sur un certain nombre de points de départ : ils voulaient que les différents groupes jouxtent un espace extérieur et, d’un point de vue fonctionnel, qu’ils soient tous rassemblés sur un seul et même étage. De même, en parfaite adéquation avec la vision propre à un complexe scolaire important, la réalisation entière devait desservir les autres fonctions du site. Par exemple, l’espace extérieur offre une valeur ajoutée en tant que cour de récréation couverte. Au sein de la crèche, la circulation traverse des espaces multifonctionnels. De plus, le concept a été imaginé autour du jeu, tant à l’extérieur qu’à l’intérieur. Ce qui signifie que les couloirs ne sont pas simplement des couloirs, mais également des espaces de jeu. Enfin, en termes de sécurité, il devait être possible de surveiller l’entrée et l’espace poussettes depuis l’accueil.
Outre ces points de réflexion initiaux, s’est présenté le défi de la surface allouée restreinte et de l’absence d’espace de jeu extérieur pour les enfants. L’équipe d’architectes a apporté une solution simple mais spectaculaire à ces lacunes : une partie de la crèche et un grand espace extérieur ont été réalisés en porte-à-faux à l’extérieur du bâtiment existant. « L’auvent en béton ainsi créé offre une cour de récréation extérieure couverte pour l’école voisine. La vaste plateforme de 168 m² garantit, elle, l’espace extérieur recherché pour les enfants », explique l’architecte du projet Bart Van Leeuw (ZAmpone Architectuur). En collaboration avec Peggy Geens de Burobill, il a mené ce projet à bien.
Aspect brutaliste
Une élégante rampe fait office d’accès à la crèche. « Elle a été conçue comme une promenade architecturale qui vous emmène de la rue à l’étage. La rampe donne également accès à l’école primaire Sint-Joris voisine. Elle veille ainsi à établir une synergie entre la crèche et l’école, mais aussi entre les parents et les enfants de l’école comme de la crèche. Sous la rampe se trouve également la séparation entre la cour de récréation et les différentes fonctions ‘infrastructurelles’ du site : le chargement et le déchargement, l’espace de stockage des vélos, etc. L’ascenseur nécessaire à l’accessibilité de la crèche dessert également l’école », explique Bart Van Leeuw.
La rampe et l’espace extérieur dans son ensemble sont réalisés en béton coulé en place. Le choix de cette approche s’est imposé pour plusieurs raisons. « Nous souhaitions un ensemble homogène dans un matériau visible » précise Bart Van Leeuw. « Il n’était pas possible de travailler avec du béton préfabriqué en raison de la forme, de la conception et de l’armature de la structure en béton. L’armature de la dalle de sol et la balustrade ne font qu’un, ce qui a d’emblée exclu l’application de béton préfabriqué. Sur le plan structurel, nous avons choisi de purifier la structure en fonction des charges soutenues par la dalle ».
Le choix du béton coulé sur place s’avérait toutefois compliqué dans la pratique. « Bon nombre de concertations ont été menées pour arriver à l’approche voulue. Nous avons également été confrontés à une foule de difficultés, notamment la couleur souhaitée, l’aspect du granulat, etc. Et pour tous ces points, nous avons dû faire des choix préalables. Dans un premier temps, le but était également de faire sabler un motif dans le béton par l’entremise de l’artiste Benoît van Innis, afin de faire apparaître une forme dans les granulats noirs. Au final, nous avons oublié l’idée, car nous doutions que le rendu final soit d’une qualité suffisante. Et la couleur homogène que nous souhaitions au départ n’a pas toujours été parfaitement atteinte non plus. Le bâtiment tient toutefois son caractère, sa personnalité, de la nature incontrôlable du béton. C’est aussi pour cela que le choix pour le béton coulé sur place est si réussi. Le caractère brutaliste du béton se détache parfaitement du mélange de bâtiments en briques ».
Prouesse en béton
En termes de technique d’exécution, les idées de l’équipe du projet n’étaient pas non plus une mince affaire. Le nouvel espace extérieur de la crèche est aménagé à 10 mètres de hauteur. « L’aspect final de la structure en béton était esquissé dans les détails. Le dessous du plateau est constitué de poutres qui forment le plancher cassette. Ces poutres courent dans trois directions différentes et aucun plan n’est identique, ce qui crée un motif singulier dans le plafond de la cour de récréation couverte. Cela a induit que les coffreurs ont dû réaliser le négatif du tableau final, ce qui est loin d’être un jeu d’enfant », reconnaît Bart Van Leeuw.
La colonne de 10 m de haut qui supporte la dalle de sol est relativement mince. Mais le défi se situait encore plus haut. En effet, il a fallu intégrer l’évacuation des eaux pluviales dans la colonne afin d’éviter qu’elle se voie. Par ailleurs, les balustrades ondulées ont également dû être moulées selon un certain modèle.
« En termes de stabilité, la nouvelle structure devait être désolidarisée des bâtiments existants. En effet, les bâtiments environnants avaient déjà plus de cinquante ans et avaient déjà terminé leurs tassements. D’où l’importance de cette liberté de mouvement indépendante pour les nouvelles et anciennes structures », ajoute Bart Van Leeuw. De même, le jeu de lignes mûrement réfléchi qui court de l’intérieur vers l’extérieur et l’escalier en béton en forme de spirale ont capté toute l’attention nécessaire lors des travaux de construction.
Motif de carrelage ludique
La balustrade en béton a été conçue avec une hauteur de 130 cm (la norme prescrite qu’une balustrade, épaisseur de la paroi incluse, doit s’élever à 130 cm). Toutefois, les architectes ont en l’occurrence opté pour une sécurité maximale et ont gardé l’épaisseur du mur comme marge de sécurité supplémentaire, « et ce afin d’éviter que les enfants qui jouent puissent jeter quelque chose par-dessus la balustrade ou l’escalader. Malgré cette hauteur, les adultes ont encore une belle vue sur les alentours » précise Bart Van Leeuw.
Dehors, les enfants jouent sur un motif de carrelage coloré, imaginé par l’artiste Benoît van Innis. Il a conçu les motifs graphiques modulants le revêtement de sol. L’artiste s’est en l’occurrence basé sur cinq couleurs différentes. Le motif se prolonge tant à l’extérieur qu’à l’intérieur. La pose du carrelage en ciment sur la structure en béton a capté toute l’attention nécessaire par rapport à l’évacuation des eaux.
Bâtiment énergétique exemplaire
La crèche est un bâtiment « Batex », c’est-à-dire un bâtiment exemplaire en termes de durabilité. Cela se traduit notamment par une conception à basse consommation d’énergie. Grâce à une isolation mûrement réfléchie (même des murs mitoyens), à une ventilation à double flux avec récupération de chaleur, à un système de chauffage simple qui repose sur une chaudière au gaz à condensation, et de grandes baies vitrées, les besoins en chauffage ont été optimisés jusqu’à 15 kWh/m²/an. Grâce aux vastes baies vitrées, la crèche tire un profit maximal des apports solaires passifs. « Le bâtiment présente une largeur d’à peine 9,6 m et est généreusement vitré des deux côtés. Grâce à un store automatisé, le soleil peut s’infiltrer au maximum dans le bâtiment pendant les mois d’hiver. Par ailleurs, l’infiltration de la lumière du jour est optimale, ce qui réduit considérablement le besoin en lumière artificielle », explique encore Bart Van Leeuw.
Une répartition intelligente des fonctions contribue à réduire les pertes d’énergie au niveau des conduites d’eau chaude sanitaire. « L’eau chaude sanitaire nécessaire aux différentes fonctions des différents étages est fournie par une chaudière au gaz à condensation et des chauffe-eau électriques décentralisés » conclu enfin Bart Van Leeuw.