Des bureaux d'architecture critiquent Autodesk Revit

Une dizaine de bureaux et studios d'architecture, dont Zaha Hadid Architects, Grimshaw, Rogers Stirk Harbour ou l'Atelier Tissot, critiquent le coût et le manque de développement de Revit, le logiciel conçu par Autodesk. Andrew Anagnost, le CEO d'Autodesk leur a répondu et s'est engagé à tenir compte des critiques émises par ces prestigieux utilisateurs.

 

Dans le document remis à Autodesk, les signataires affirment que le coût croissant et le manque (voire les lacunes) de développement de Revit, le logiciel conçu par la société américaine, nuisait à leurs activités.

Coût et manque de développement

Revit est un logiciel de conception de bâtiment, qui permet de créer un modèle en 3D d'un ouvrage pour créer divers documents nécessaires à sa construction. Les signataires de la lettre ouverte, qui utilisent le logiciel, affirment rencontrer actuellement des difficultés qui impactent l'efficacité de leurs activités. Ils critiquent tout d'abord l'augmentation du coût de possession des logiciels de conception dans le cadre de la croissance globale des coûts à laquelle est confrontée l'industrie de la conception, un coût qui a chez certains augmenté de 70%. Ils se plaignent ensuite du manque de développement du logiciel : « Alors qu'Autodesk Revit était autrefois le moteur de l'industrie pour un travail plus intelligent, elle se retrouve de plus en plus souvent confrontée à des contraintes et à des goulots d'étranglement. Les architectes constatent qu'ils paient plus mais utilisent moins Revit en raison de ses contraintes ». D'après les auteurs de la lettre ouverte, le manque de développement signifie que Revit ne peut pas gérer les fonctions requises, ce qui affecte la productivité des bureaux d'architectes, à moins de devoir mettre en oeuvre des solutions de contournement sophistiquées, qui a égélement un coût. En conséquence, ils demandent donc à Autodesk « un plan d'action transparent, centré sur le client, non-conflictuel, innovant, progressif et réalisable ».

Et en Belgique ?

En Belgique, un certain nombre d'utilisateurs du BIM sont d'accord avec cette lettre ouverte. « C'était déjà une des raisons pour laquelle, chez Kumpen (aujourd'hui Willemen Construct), nous n'avions pas choisi à l'époque de nous concentrer uniquement sur Revit, mais d'opter pour une utilisation minimale de ce logiciel en parallèle avec l'utilisation d'autres logiciels de modélisation. Je ne crois pas en un software 'one size fits all' », explique Dieter Froyen, responsable BIM chez Willemen Construct. « Nous faisons également l'expérience négative de la politique de prix d'Autodesk, qui est fortement centrée sur son propre profit. Un bel exemple en est qu'avant le passage des licences 'perpetual' aux licences d'abonnement, Autodesk a vendu des licences supplémentaires 'de la dernière chance' mais, peu de temps après, a obligé tout le monde à acquérir une licence d'abonnement, dont le coût est venu s'ajouter à ceux des licences supplémentaires précédemment achetées. »

Hannes Debaets, responsable BIM chez Dethier, rencontre également des problèmes avec Revit : « Autodesk se concentre trop sur des sujets 'tendance' comme le 'generative design', tandis que d'autres fonctionnalités plus basiques sont à la traîne. Nous devons donc nous tourner vers toutes sortes d'add-ons gratuits ou payants ou vers Dynamo, alors que cela devrait être depuis longtemps des fonctionnalités intégrées... Les exports IFC restent également un problème puisque la géométrie n'est parfois pas correctement exportée vers IFC. Et donc nous ne sommes jamais sûrs de ce que transférons aux différents concepteurs, sous-traitants et producteurs. »

La réponse d'Autodesk

L'éditeur du logiciel a indiqué qu'il n'était pas d'accord avec tout ce qui est écrit dans la lettre ouverte, mais il a promis d'écouter les demandes et d'y répondre le plus rapidement possible. Dans un communiqué, Amy Bunszel, d'Autodesk a reconnu que l'éditeur avait « sous-investi dans la fonctionnalité de modélisation architecturale ces dernières années » et que la société « travaille à corriger cela ».

« Nous avons augmenté notre développement de produits pour mieux servir les clients de l'ingénierie et de la construction. Cela a nécessité plusieurs projets de plateformes pour améliorer l'évolutivité et les performances afin de prendre en charge les détails de fabrication pour l'ingénierie, qui ont également profité à toutes les disciplines. Le résultat de cela a été un ralentissement du développement des principales capacités de modélisation architecturale. Nous reconnaissons l'impact que cela a eu sur nos clients de conception architecturale et, à la fin de l'année dernière, nous avons augmenté nos investissements et nos ressources pour les capacités architecturales de Revit », précise-t-elle.

« Pour ce qui est de l'avenir, nous pensons que les méthodes de travail vont évoluer, de la modélisation directe d'aujourd'hui à la conception basée sur les résultats et pilotée par l'analyse (dont la conception générative dans Revit est une petite étape), en passant par la convergence de la fabrication et de la construction, et que les données doivent être déverrouillées des formats natifs et circuler plus facilement dans les produits Autodesk et non-Autodesk. Propulsé par le nuage, avec des expériences couvrant le bureau, le mobile et la réalité étendue, cet avenir semble bien différent d'une application de bureau avec des centaines de boutons dans le ruban. Au cours des prochaines versions majeures et ponctuelles, vous commencerez à voir des preuves de cette orientation, auxquelles vous pourrez réagir et donner votre avis », conclut Amy Bunszel.

Jos Vandamme, directeur de C3A - distributeur d'Autodesk Revit dans notre pays - reconnaît que la fonctionnalité de base de Revit aurait pu être élaborée davantage par Autodesk depuis longtemps, mais selon lui, les choses vont évoluer à ce sujet : « Nous ne devrions pas oublier que le passage d'AutoCAD à Revit, il y a environ 15 ans, a vraiment été une innovation révolutionnaire. De nombreux témoignages montrent ce q'il est possible de réaliser avec le BIM aujourd'hui et cela peut être qualifié de spectaculaire. Et Revit a considérablement évolué au cours de ces 15 dernières années. Pourtant, il n'en reste pas moins qu'un tiers seulement des architectes et des concepteurs belges sont passés de la CAO au BIM. Au cours des 15 dernières années, avec C3A, nous avons aidé plus de trois mille professionnels de la construction à passer de la CAO au BIM et grâce, aux extensions C3A, à la méthode de travail, aux modèles, aux bibliothèques, à la formation et à l'assistance, les nouveaux utilisateurs peuvent prendre un bon départ. On constate la même frilosité dans les écoles d'architecture, où un tiers seulement des étudiants sont formés au BIM... Il est clair également que l'IFC est un problème, mais ce n'est en aucun cas un problème qui concerne uniquement Autodesk. »

 

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