La Ruche : c’est ainsi que la population d’Herstal appellera le nouvel hôtel de ville inauguré ce 24 août. Non en raison du design atypique et des façades en alvéoles largement végétalisées mais parce que le centre sportif qui a été démoli pour faire place au nouvel édifice s’appelait déjà ainsi. Pourtant, papillons et hyménoptères ont déjà trouvé le chemin de la nouvelle construction signée Frédéric Haesevoets Architecture.
Audace et dynamique
Frédéric Haesevoets signe là son tout premier projet public. Ce ne sera sans doute pas le dernier, vu l'intérêt (la curiosité ?) que ce bâtiment dynamique suscite bien au-delà des limites communales. Pour l’architecte comme pour le maître d’ouvrage, c’est l’aboutissement de deux ans de travaux et d’une procédure débutée en 2009 par un concours international. A l’époque, le site était construit et il a donc fallu procéder à des démolitions pour libérer le terrain donnant sur la place Jean Jaurès. Audace donc dans le chef du maître d’ouvrage, qui imagine à présent ce que pourrait devenir le terrain encore non bâti situé à l’arrière de l’hôtel de ville et facilement accessible depuis la place Jean Jaurès grâce à la large rue piétonne séparant les deux ailes du nouveau bâtiment.
Sur ce terrain présentant un dénivelé de plusieurs mètres, l’architecte a en effet imaginé un bâtiment en deux parties reliées par une passerelle vitrée ; une aile héberge les services administratifs de la commune, tandis que l’autre est plutôt dédiée aux services sociaux, en commençant par le CPAS. Les niveaux en sous-sol abritent l’imprimerie communale, locaux techniques, parkings et local poubelles. Sur ce socle en béton sont érigés 2 à 3 niveaux sur planchers mixtes bois-béton portés par une structure en acier constituant l’enveloppe du bâtiment. Hormis le noyau technique, tout le centre du bâtiment ne comporte aucun élément porteur, ce qui permettra un réaménagement intérieur en fonction de l’évolution des services.
L’enveloppe est habillée au rez-de-chaussée par un vitrage dégradé (l’expérience, Quai Branly notamment, ayant montré qu’il était inutile de végétaliser la façade à moins de 2 mètres du sol, les passants arrachant la végétation), aux niveaux supérieurs par une structure en résille composée de losanges de taille identique et présentant soit un vitrage opaque, soit un vitrage transparent, soit un caisson végétalisé. La structure en alvéoles contribue à une bonne acoustique.
Tout baigne dans la sphaigne
Focus sur ces fameux caissons végétalisés qui couvrent environ 1000 mètres carrés sur les 2500 que comptent les différentes façades du bâtiment : Chaque caisson est autonome et peut être remplacé au besoin. Il dispose de sa propre alimentation en eau à la pointe supérieure du losange et de son système de récupération des eaux, le tout fonctionnant en circuit fermé. Les espèces végétales ne sont pas ancrées dans de la terre mais dans de la sphaigne. Cette plante typique des Hautes-Fagnes (mais ici heureusement orginaire du Chili et de Madagascar) a une énorme faculté de rétention de l’eau et sert ici de substrat à une grande variété d’espèces, choisies en fonction de l’orientation des caissons par rapport au soleil. Elles sont toutes couvrantes pour ne pas demander d’entretien régulier. Le tout participe à l’isolation en hiver et rafraîchit en été. Hormis quelques locaux techniques, aucune climatisation n’est présente.
Code couleurs de rigueur
Herstal étant une commune très bâtie et donc minéralisée, l’idée était également d’y ajouter une touche de vert. C’est chose faite avec les parties végétalisées des façades. Cette couleur se voulant apaisante, on la retrouve à l’intérieur dans tous les espaces de travail, tandis que le dynamisme du rouge se prête davantage aux endroits de passage. Et, non, la couleur rouge de la passerelle et des circulations intérieures n’est pas à mettre en lien avec le parti politique au pouvoir. Selon l’architecte, il s’agit simplement de la couleur complémentaire au vert. Pour compléter la palette, les locaux techniques ont droit au gris et les sanitaires au bleu nuit.
Casse-tête d’ingénieurs
Ce qui frappe quand on visite le bâtiment, c’est la quasi absence d’angles droits. Les façades étant toutes inclinées, les calculs au niveau de la stabilité ont dû être menés avec une extrême précision. Très basse énergie et presque totalement hermétique, le bâtiment fait appel à une ventilation performante, d’autant plus qu’il n’est pas climatisé. Le projet se veut le reflet d’une démarche menée par l’Administration, à savoir le développement continu, l’efficacité, la transparence et l’innovation. Il s’agit aussi pour la ville d’Herstal d’un fantastique moyen de communication. Audacieux mais pas fou, le maître d’ouvrage a obtenu de l’entrepreneur (l’association momentanée Galère/Moury) une extension de garantie sur le bâtiment allant jusqu’à 10 ans.