A moins de deux mois de la fin de son mandat en tant que bouwmeester maître architecte bruxellois, architectura a rencontré Kristiaan Borret. L’occasion de dresser un bilan de son action certes, mais surtout d’évoquer ce qui rend l’institution BMA indispensable dans le paysage de la capitale. Accessoirement, ceux qui veulent mettre en place une fonction similaire en Wallonie et à Liège pourront y trouver de quoi nourrir leur réflexion.
Après avoir été stadsbouwmeester de la ville d’Anvers de 2006 à 2014, Kristiaan Borret a succédé à Bruxelles à Olivier Bastin en décembre de la même année. Durant ces cinq années, il a construit, mis en place et amélioré de nombreux mécanismes, souvent bousculé les habitudes, parfois heurté certains avec son style franc et direct. Kristiaan Borret : « Le rôle d’un bouwmeester est aussi de secouer le cocotier. Bruxelles est encore en train de s’habituer à cette fonction. Je constate une belle évolution, quand des acteurs habitués à travailler dans une situation de monopole se trouvent challengés et font ensuite à nouveau appel au BMA. Cela vaudra aussi pour la Wallonie dans le futur. Le maître architecte est parfois perçu comme quelqu’un qui dérange, et ce n’est pas toujours accepté. »
Une approche, un style
Afin de promouvoir la qualité architecturale et urbanistique dans la capitale, Kristiaan Borret a bâti son approche autour de 3 grands piliers : l’organisation systématique et méticuleuse de concours, l’utilisation des outils graphiques pour pouvoir débattre valablement de la qualité des projets (research by design) et enfin la chambre de qualité comme lieu où puisse se dérouler ce débat sur la qualité. Nous reviendrons ultérieurement sur chacun de ces piliers. Leur point commun est que les mécanismes mis en œuvre sont non formalisés, en dehors de toute réglementation. Kristiaan Borret parle volontiers de soft power. « L’institution BMA est un exemple de mécanisme informel qui s’ajoute aux mécanismes formels tels que la demande de permis, … De tels mécanismes non formalisés sont à mes yeux extrêmement importants pour arriver à l’excellence dans le développement urbain. »
« C’est parce qu’on n’appartient à personne que l’on peut collaborer avec tout le monde. »
Bonne nouvelle : L’institution BMA, qui compte actuellement 15 collaborateurs autour du maître architecte, a tout récemment été inscrite dans la loi avec la publication du CoBAT. Si on souhaite la supprimer, il faudra passer par le Parlement. Ce qui n’est toujours pas le cas en Flandre….
Soft power ne veut pas dire mollesse pour autant. « Ce que j’ai sous-estimé, ce sont les effets de mon style, direct, clair et sincère. A Bruxelles, les choses sont un peu compliquées. Si on veut faire bouger les choses, il faut opérer de cette manière, avec une certaine brutalité. A Amsterdam où je travaille également, mon style n’est pas perçu comme brutal mais comme doux et diplomatique !
Transversalité, indépendance et complexité
« Un bouwmeester doit absolument travailler de manière transversale parce la ville est construite de manière transversale. On ne peut pas affirmer qu’elle est du seul ressort des architectes et des urbanistes. Et pour pouvoir travailler de manière transversale, une réelle indépendance par rapport aux politiques, administrations ou milieux de promoteurs et d’architectes est notamment nécessaire. C’est parce qu’on n’appartient à personne que l’on peut collaborer avec tout le monde. La transversalité et la neutralité sont intimement liées. »
Au même titre qu’un architecte se délecte d’une parcelle étroite et biscornue, Kristiaan Borret considère le carcan institutionnel bruxellois comme un cadeau. « L’obligation de tout réaliser sur notre territoire nous force, architectes et urbanistes, à réfléchir sur des solutions beaucoup plus complexes, notamment plus denses. Par exemple en combinant activités productives et logement dans un même bâtiment. Nous ne disposons pas de suffisamment d’espace pour nous contenter de construire des ‘boîtes à chaussures’ pour l’industrie, ce qui nous oblige à inventer de nouvelles solutions à des problèmes complexes. J’adore cela. J’embrasse la complexité de Bruxelles. »
Le bilan de Kristiaan Borret est lié à la ville productive, au plan Canal, et à présent à la qualité de l’espace public. Avec l’aide d’outils qui fonctionnent bien, comme les concours, la research by design et la chambre de qualité. C’est ce que nous vous proposons de découvrir dès la semaine prochaine dans la suite de l’interview.