Les membranes bitumineuses pour toitures sont de longue date une valeur sûre dans la construction. Pourtant, tous les architectes ne les apprécient pas, surtout par manque de connaissances et parce qu’ils y voient encore un “vieux” matériau au caractère brut et à l’aspect manquant de raffinement. Grâce à une série d’articles sur l’étanchéité bitumineuse des toitures plates, Bitubel entend bien mettre fin à ces préjugés. Dans ce premier article, Freddy Coninx (IKO) passe en revue les différentes sortes de bitume que l’on trouve actuellement : « Ces dernières années, l’innovation technologique a fait fortement progresser la qualité, la durée de vie et les possibilités esthétiques des applications bitumineuses. »
Les toitures bitumineuses sont victimes d’un étrange paradoxe. Elles peuvent se targuer d’une durée de vie prouvée d’au moins cinquante ans et offrent incontestablement de nombreux avantages mais leur longévité ne les rend pas ‘sexy’. Bitubel, la fédération des fabricants belges de membranes bitumineuses, estime qu’il est grand temps de corriger cela. Au moyen d’une série d’articles publiés sur Architectura.be, les membres de Bitubel – De Boer, Derbigum, IKO et Soprema – prennent tour à tour la parole pour dissiper les malentendus et partager des conseils pratiques bien utiles. Freddy Coninx de IKO entame la série en passant en revue pour nous les nombreuses possibilités d’application d’une couverture bitumineuse.
Freddy Coninx : on peut distinguer grosso modo trois types : les bitumes oxydés, les bitumes modifiés et les bitumes polymères. Les bitumes oxydés ou soufflés sont à présent uniquement appliqués en sous-couche. Ils sont moins bien adaptés pour la couche supérieure du fait de leurs caractéristiques de vieillissement moins favorables comparées aux variantes modifiées APP (plastomère) ou SBS (élastomère). Les bitumes polymères constituent un nouveau type de sous-couche ayant fait son apparition dans notre pays en fonction de la règlementation. Dans ce cas, on va déterminer la technique de modification en fonction des caractéristiques souhaitées de la membrane, ce qui permet l’adjonction à la fois d’un élastomère et d’un plastomère dans une même membrane.
Quels sont les types les plus utilisés actuellement pour les toitures plates ?
Jadis, on utilisait principalement les bitumes oxydés mais l’isolation des toitures a signifié un grand changement de cap. La température de la toiture devient en effet plus élevée, avec des conséquences sur la membrane telles que des fissures ou des boursoufflures. Depuis, les bitumes modifiés ont gagné du terrain et les supports classiques (feutre ou fibre de verre) ont été remplacés par du polyester ou une combinaison de polyester et de verre. Les forces qui s’exercent sur le toit sont à présent beaucoup mieux absorbées, augmentant considérablement la longévité. Les bitumes oxydés ne sont plus utilisés qu’en sous-couche, même si là aussi ils cèdent peu à peu la place aux bitumes polymères plus performants.
Qu’est-ce qui rend les feuilles bitumineuses si bien adaptées pour étanchéifier les toits plats ?
De nos jours, étant donné la présence éventuelle de passages et décharges, de puits de lumière, d’installations de ventilation ou de panneaux photovoltaïques, les toitures plates demandent de plus en plus souvent une finition minutieuse. Tout doit être rendu étanche, et c’est avec une membrane bitumineuse souple et facile à manier que cela se fait encore le mieux. Pour les toitures d’un seul tenant, la membrane est certes continue mais les détails doivent quand même être étanchéifiés séparément.
De plus, la durée de vie prouvée des toitures bitumineuses est sans égale. D’autres matériaux qui ne sont sur le marché que depuis une vingtaine d’années revendiquent une durée de vie similaire sur base de tests en laboratoire, mais comparaison n’est pas raison. Résister en extérieur aux intempéries et au vent est tout autre chose que passer deux ou trois mille heures dans un testeur UV. La recherche peut donner des indications mais une fois que le revêtement de toiture est réellement placé, d’autres facteurs entrent en ligne de compte. Raison pour laquelle nous installons des toitures de test lors du développement de toute nouvelle membrane. Et les résultats sont la plupart du temps très bons ! Grâce à la percée des bitumes modifiés, les toits durent encore plus longtemps qu’avant. Souvent, le revêtement bitumineux du toit est encore intact quand on démolit un ancien bâtiment et il n’en ira pas autrement à l’avenir étant donné les performances des applications bitumineuses les plus récentes.
« De nos jours, les toitures plates demandent de plus en plus une finition minutieuse, et c’est avec une membrane bitumineuse souple et facile à manier que cela se fait encore le mieux. »
Les toitures bitumineuses sont composées de plusieurs couches. Avec quels avantages ?
La composition multicouche des membranes bitumineuses (épaisseur d’env. 4 mm par couche) offre surtout une plus-value considérable pour l’organisation du chantier et la résistance au poinçonnement et à la détérioration. C'est certainement le cas quand on les compare avec les revêtements de toitures plus fins composés d’une seule couche. Prenons, par exemple, le raccord entre la rive d’un toit et la façade. Dans pareil cas, on pose d’abord la sous-couche, puis les entrepreneurs réalisent la finition de la façade (enduit, peinture, pose d’installations d’air conditionné, …) sans abîmer ni même salir la couche supérieure. Celle-ci est placée en dernier, afin de garantir un toit intact et parfaitement étanche. Nous avons pu apprécier la résistance au poinçonnement et à la détérioration il y a deux ans, lorsque des très fortes averses estivales de grêlons se sont abbatues sur la Belgique. Les toits bitumineux ont généralement été épargnés de tout dégât, alors que les autres revêtements de toit se sont retrouvés bosselés ou carrément percés.
La toiture bitumineuse fait ses preuves depuis des décennies mais se heurte toujours à quelques préjugés tenaces…
En effet. De nombreuses personnes continuent à associer le bitume avec le goudron, un héritage d’un passé depuis longtemps révolu. Le bitume est un dérivé du pétrole, tandis que le goudron provient du charbon ou du bois. Les toits goudronnés deviennent de plus en plus rares. Associer les toitures bitumineuses avec des substances nocives est donc totalement dépassé.
Considérer que les possibilités des toitures bitumineuses seraient limitées est un autre préjugé. Et ce alors que les applications des toitures bitumineuses sont quasi illimitées, notamment pour l’étanchéité des caves, pour les toits végétalisés, les parkings de toit, les terrasses de toiture, … ! Ceci vaut également pour l’aspect esthétique. Les toitures en bitume ne sont pas par définition noires et tristes mais peuvent être finies en toitures apparentes grâce à l’ajout de granulats colorés. Certains fabricants parviennent même à rendre leurs toitures bitumineuses blanches grâce à l’adjonction d’un granulat spécial ou d’un coating hautement réfléchissant. La couleur blanche a un effet bénéfique sur le climat intérieur et le rendement d’éventuels panneaux photovoltaïques.
« Nous pouvons donner au toit bitumineux une couleur blanche grâce à l’adjonction d’un granulat spécial ou d’un coating hautement réfléchissant. »
Les toitures bitumineuses évoluent donc bien avec leur temps…
Absolument ! Différentes innovations technologiques ont permis d’augmenter sensiblement la qualité du bitume. L’utilisation de supports combinés – armatures polyester avec toile ou voile de verre – empêche désormais le rétrécissement des membranes, faisant oublier les bandes de jointoiement sur les toits. Une innovation récente consiste en la mise en œuvre de l’air cleaning technology – des sprays ou additifs neutralisant le NOx et le SOx. Quant aux matières premières, on peut vraiment parler là d’une quête de durabilité. On voit d’une part des développements utilisant des ressources ‘vertes’ comme l’huile de colza, qui peut donner du bio-bitume. D’autre part, nous avons connu au fil des années une évolution vers l’utilisation de matières premières recyclées : certains supports polyester sont par exemple fabriqués à 100% à base des bouteilles en plastique recyclées, tandis que les polymères comme le polypropylène proviennent souvent de l’industrie du tapis ou de l’emballage. Nous encourageons ces évolutions car elles ne sont pas seulement bénéfiques pour l’environnement mais aussi pour nos EPD.
Dans quelle mesure les membranes bitumineuses se prêtent-elles à la rénovation et au recyclage ?
75 pourcent des membranes bitumineuses que nous posons actuellement contiennent déjà une certaine part de matériaux recyclés (chutes de production ou de découpe). Ce chiffre en dit long, il me semble. En outre, il est assez facile de réparer d’éventuels dommages sur un toit bitumineux. D’autres simples revêtements de toit doivent être entièrement remplacés en cas de dégâts, alors qu’il suffit pour un toit bitumineux de poser une nouvelle couche supérieure après avoir découpé localement et réparé les endroits abîmés. Le rajout d’une seule couche supérieure, combiné à un entretien périodique, permet de prolonger la durée de vie des toitures bitumineuses au-delà de soixante ans. Et lorsqu’il faut malgré tout démonter un toit bitumineux, on peut recycler les membranes non contaminées. Elles seront alors transformées en sous-couche bitumineuse ou en panneau de recouvrement protégeant l’isolation du toit (‘protecto board’), ou bien réutilisées dans des travaux de voirie. Il est donc bien clair que la couverture bitumineuse du toit reste d’actualité, performante et pertinente !
« 75 pourcent des membranes bitumineuses que nous posons actuellement contiennent déjà une certaine part de matériaux recyclés. »
Vous trouverez plus d’informations sur les toitures plates bitumineuses sur www.bitumeninfo.be.