Un projet de restauration ne peut être réussi que s’il est confié à des personnes possédant les connaissances techniques suffisantes, complétées par un ‘feeling’ et une vision historique du bâtiment. C’est l’une des principales conclusions tirées lors de la table ronde organisée par architectura.be sur le thème ‘Restauration et patrimoine’. Ceci ne concerne pas seulement les concepteurs, mais également les entrepreneurs, les sous-traitants et les bureaux d’études. D’autant plus si la restauration va de pair avec une reconversion.
‘Il vaut mieux qu’une restauration soit confiée à des architectes et à des sociétés spécialisés dans le patrimoine’ : les participants à la table ronde n’ont pas réfléchi longtemps avant de réagir à cette proposition. Jan De Busser (Renotec) : « Les bureaux moins expérimentés devraient être aidés afin de réduire les risques d’évaluations et de choix erronés. Travailler en bouwteam, dans le respect des forces de chacun, peut également être une bonne solution. Dans ce cas, le concepteur et l'entrepreneur sont dans une seule équipe, ce qui peut mener à de bonnes décisions. »
Une bonne vision
Ruben Braeken (B+ Architecten) renchérit : « Un architecte qui se mêle de restauration doit absolument avoir deux qualités : la vision technique et la sensibilité qui lui permettent de voir quelles interventions peuvent ou ne peuvent pas être effectuées. »
Philippe Lemineur (Origin Architecture & Engineering) n’est pas seulement architecte, mais est également maître de conférences pour la formation en patrimoine à l’Université d’Anvers. Il remarque que les bureaux d’architectes sont régulièrement en recherche d’étudiants ayant suivi la filière ‘patrimoine et restauration’ : « Ce n’est vraiment pas évident de trouver des personnes spécialisées dans cette discipline. Celle-ci s’accompagne d’une philosophie générale qui n’est pas toujours évidente. »
Un regard frais
Bart Biermans (HUB Architects) nuance ces propos. Selon lui, la vision d’une personne extérieure à la discipline peut dans certains cas être utile : « cela peut même mener à un meilleur résultat lorsqu’un architecte spécialisé et un de ses collègues non-spécialisé se penchent sur un bâtiment et réfléchissent ensemble à des solutions. Le monument a parfois besoin d’une certaine transition et on a alors besoin d’habiletés professionnelles plus que de simples compétences de restauration. Le savoir-faire et l’expertise sont souvent nécessaire, mais c’est parfois bien de ne pas les avoir. La clé du succès réside dans la recherche de bons partenariats. »
« Un regard différent et frais sur le projet peut parfois être utile », confirme Inge Debacker (Agence Flamande pour le Patrimoine Immobilier). « Mais d’un autre côté, le client est plus sûr d’obtenir rapidement de bons résultats lorsque c’est un architecte spécialisé en restauration qui se penche sur la question. »
« Plusieurs concepts se mélangent : la restauration est une question purement technique, mais on a très souvent également une reconversion », fait remarquer Isolde Verhulst (PERSPECTIV architecten). « Si une restauration est envisagée d’un point de vue technique uniquement, et qu’elle est totalement laissée entre les mains de quelqu’un qui vient de quitter les bancs de l’école ou qui n’a aucun feeling avec un bâtiment historique, le résultat sera probablement décevant. » Bart Biermans est du même avis : « Le contexte historique d’un bâtiment est au moins aussi important. »
Wout Somers (DoesItHertz) leur emboîte le pas : « Un projet réussi est généralement le résultat d’une bonne coopération entre les acteurs qui se concentrent sur l’aspect purement restauration du projet et ceux qui envisagent la situation dans son ensemble, par exemple en ce qui concerne la reconversion. »
Réfléchir et collaborer
Pour une restauration réussie, il ne faut pas uniquement compter sur des architectes spécialisés, tous les autres acteurs doivent l’être également, selon Paul Penners (Kloeckner Metals) : « Les entrepreneurs et les sous-traitants doivent eux aussi avoir des affinités avec le projet. Dans chaque projet, il est donc indispensable de réunir les bons acteurs, chacun se concentrant sur sa spécialité. L’entrepreneur doit être capable de faire preuve d’empathie et de réfléchir avec l’architecte. Le bâtiment conservera-t-il son caractère d’origine ou sera-t-il réinterprété ? Le rôle de l’entrepreneur est crucial à cet égard. »
Jan De Busser est du même avis. « Dans un projet de restauration, rien n’est plus difficile que de travailler avec des ouvriers qui n’ont pas l’habitude de réaliser ce type de travail. Ils doivent avoir un certain ‘amour’ pour le bâtiment. Dans leur formation, les travailleurs apprennent que tout doit être d’aplomb ou maçonné, mais lors d’une restauration, ils doivent principalement suivre le bâtiment. »
Difficulté à trouver des ouvriers spécialisés
Selon les participants, il y a une pénurie d’entrepreneurs ayant une bonne expertise. « Nous rencontrons souvent les mêmes entreprises sur les chantiers », note Inge Debacker. « Il n’y a pas beaucoup d’acteurs sur le marché, et il est difficile de trouver des professionnels, surtout lorsqu’il s’agit de travailler sur de petits détails. »
Linda Temmink rencontre également ce souci à l’IPARC (International Platform for Art Research and Conservation). « La recherche de bons sous-traitants pour des petites commandes est difficile, car la plupart des entrepreneurs n’ont pas le temps pour ce type de projets ou trouvent la distance trop grande. »
C’est surtout l’expertise technique fait défaut, note Eddy De Baets (Ingenium). « Quelques sociétés s’intéressent un peu plus à la restauration, mais une société qui ne s’occupe que de cela reste une exception. Et cela comporte des risques, car si l’équipe réalise tout d’aplomb sur un chantier de restauration, par exemple, cela peut s’avérer dangereux. »
La concurrence
Il est donc particulièrement difficile pour les entrepreneurs de trouver une main-d’œuvre qualifiée. Jan De Busser : « La concurrence est énorme : on se dispute les jeunes ouvrier spécialisés et les gestionnaires de projets. C’est la raison pour laquelle nous avons lancé un programme permettant aux jeunes qui quittent l’école de suivre une année de spécialisation complémentaire en restauration, tout en étant déjà employés chez nous. »
La société Lerobel, spécialisée dans le travail du verre, éprouve également des difficultés à trouver des poseurs et des hommes de métier. Yannick Leroi : « Le verre est déjà un métier en soi. En tant que poseur de verre, vous devez travailler de manière très particulière et maîtriser les ficelles du métier. »