« Les architectes ont d'autres priorités que la liberté de création »

En ce qui concerne la préfabrication, la Belgique peut apprendre des choses des pays voisins. C’est en tout cas l’opinion de la plupart des participants à la table ronde qu'architectura.be a organisée autour de cette thématique. Les experts ont également discuté des préjugés 'collant à la peau' de la préfabrication. Le plus courant est que ce système de construction limiterait la liberté de création de l'architecte. Qu'en pensent nos experts ?

 

Le secteur de la construction en Belgique est sensibilisé aux principes de la préfabrication et des systèmes constructifs (ossature bois...). Pourtant, notre pays peut encore apprendre des autres pays européens, selon la plupart des membres du panel. « Les Pays-Bas, le Royaume-Uni et les pays scandinaves sont meneurs à cet égard », déclare Joep Römgens (Schüco). « Nous voyons que les architectes y pensent beaucoup plus en termes de systèmes constructifs. Ils sont en outre plus loin que nous en termes d'urbanisation et de construction urbaine. Chez nous, beaucoup de choses se décident encore sur chantier. »

Le rôle des entrepreneurs

Selon Dieter Froyen (Willemen Construct), la différence est liée à la réglementation et au rôle des partenaires de la construction : « Aux Pays-Bas, les entrepreneurs assument beaucoup plus de responsabilités à un stade précoce du projet. Et il n’est pas surprenant qu'ils préfabriquent plus souvent. Dans d’autres pays, il est également possible de réfléchir plus rapidement à un système constructif. Heureusement, les manières de travailler telles que le bouwteam permettent désormais à cette évolution d'atteindre notre pays. »

Ruben Braeken (B + Architects) : « La construction en Belgique repose encore trop sur un modèle 'conflictuel' : l'architecte dessine quelque chose et l'entrepreneur doit le mettre en œuvre. De plus, il est difficile pour les architectes de choisir des éléments préfabriqués car chaque fabricant utilise son propre standard. Un système de dimensions et mesures uniformes pourrait donner un coup de pouce à la préfabrication. »

Le lien avec le coût salarial

Eveline Decroix (Verheyen Beton) estime que la Belgique devrait être à l'avant-garde: « Dans de nombreux pays méditerranéens, où le coût salarial moyen est plus bas, on peut se permettre de laisser des dizaines de personnes résoudre elles-mêmes les problèmes sur le chantier. Plus le coût salarial est bas, moins on préfère penser en terme de préfabrication. C’est pourquoi il est étrange que la Belgique, avec son coût salarial élevé, ne soit pas un pionnier dans ce domaine. »

En outre, selon certains, la préfabrication est encore trop peu abordée par l'enseignement dans les domaines de l'architecture et de la construction. Joep Römgens (Schüco) : « Le processus en lui-même est abordé et nous donnons régulièrement des conférences sur ce sujet dans les universités, mais cela ne suffit pas pour acquérir une connaissance approfondie de la préfabrication. »

Dirk Driesmans (Bureau d'architectes Q-BUS) établit un parallèle avec le BIM : « Les pays qui sont à la pointe du BIM le sont également pour la préfabrication. L’émergence du BIM s’accompagne de nouveaux outils qui facilitent la préfabrication. »

Adjudications et marchés publics

Les experts autour de la table conviennent qu'il n'est pas facile de remplacer les méthodes de construction traditionnelles par des systèmes constructifs et par la préfabrication dans les appels d'offres. Eveline Decroix (Verheyen Beton) : « La pensée conservatrice domine le secteur. Les gens refusent souvent de changer ce qui a déjà été prescrit, même si les avantages sont irréfutables. »

Selon Ruben Braeken (B + Architects), la manière de penser est complètement différente : « Si, en tant qu'architecte, vous suivez le processus dans son intégralité selon les méthodes de construction traditionnelles, et que vous devez ensuite ajuster toute votre approche après l'appel d'offres, vous faites deux fois le travail. » Joep Römgens (Schüco) : « Dans la pratique, il est possible de proposer la préfabrication lors de l'appel d'offres. Mais vous avez besoin d'arguments particulièrement convaincants pour susciter l'approbation générale. Et comme les intérêts sont souvent divergents, le résultat est rarement atteint. »

Préjugés concernant la préfabrication

Il existe encore beaucoup de préjugés concernant la préfabrication. Le plus courant, selon les experts, est que ce principe constructif limiterait la liberté de création de l'architecte. « Nous avons des défis plus importants à résoudre que celui-là », reconnaît Ruben Braeken (B + Architects). « Vous pouvez néanmoins être très créatif dans ce domaine, simplement en déplaçant les éléments de manière particulière au sein du système constructif. La créativité, ce n'est pas ajouter ici et là de petites améliorations ou fioritures au projet. »

Joep Römgens (Schüco) : « Ce cliché existe depuis des décennies, même s'il est depuis longtemps démontré qu'il n'est pas correct. Même les plus grands bureaux d'architectes (anciens ou actuels) travaillent, dans une certaine mesure, de manière modulaire. »

Un autre cliché est que la préfabrication ne vaut que pour des grands projets. Et bien que les participants à la table ronde soient d'accord sur le fait que les économies d’échelle offertes par les grands projets sont intéressants pour la préfabrication, ils estiment que l’idée peut également créer une valeur ajoutée dans le cadre de petits projets. Karel Vervaet (Systimber) : « Dans les petits projets, tels que les maisons individuelles, un système constructif ou une préfabrication rapide peut s'avérer nécessaire. Car les clients ne veulent pas vivre sur un chantier de construction pendant un an. » 

 

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