« Les concepteurs peuvent éviter pas mal de problèmes avec les détails d’exécution sur toits plats »

Coupoles, verrières, gaines de ventilation, rives, relevés … : la peau uniforme des toits plats est de plus en plus interrompue par des détails de toutes sortes. « Ce sont précisément ces endroits délicats qui sont sujets à d’éventuelles fuites, surtout s’il n’y a pas assez d’espace disponible pour les étanchéifier convenablement », nous confie Guido Verschueren (Soprema), expert absolu en matière de détails de toiture depuis plus de trente ans. Dans cet article, il explique pourquoi les détails d’exécution doivent être considérés comme une priorité lors de la conception et quels détails spécifiques exigent une attention particulière.

Guido Verschueren : « Par l’expression ‘détail de toiture’, nous entendons tout ce qui se trouve en dehors de la surface du toit : angles, joints de dilatation, coupoles, verrières, rives, gouttières, avaloirs, canaux d’aération, installations de sécurité antichute, murs, relevés, socles, profilés de rive …  Autant d’interruptions de la surface du toit qui peuvent occasionner des fuites et doivent donc être étanchéifiées suivant les règles de l’art.  Dans la mesure où l’on tient compte de la présence de ces détails de toiture dès la phase de conception, on peut éviter de nombreux problèmes. »

 

Attention pour les détails d’exécution dès la conception

« L’exécution des détails de toiture est trop souvent laissée à la capacité d’improvisation des entrepreneurs d’étanchéité ou autres qui, en tant que spécialistes, sont supposés appliquer des solutions professionnelles. En cas de contestations ultérieures, experts juridiques et tribunal seront tentés d’imputer les éventuels défauts d’étanchéité sur toiture plate à l’entrepreneur d’étanchéité. Dans ce cas, on oublie souvent de prendre en considération un certain nombre d’éléments. Premièrement, les détails d’exécution se trouvent le plus souvent dans des zones de transition entre travaux de l’entrepreneur d’étanchéité et travaux de l’entrepreneur de gros œuvre ou autres.  Autrement dit : si les travaux préparatoires menés par l’entrepreneur de gros œuvre compliquent la finition de la toiture selon les règles de l’art, l’entrepreneur d’étanchéité ne peut pas faire autre chose qu’improviser, et on peut alors parler au minimum de responsabilité partagée.

Selon le CSTC, il est cependant injustifié d’attribuer d’éventuels problèmes simplement au travail des exécutants. Les concepteurs portent également une responsabilité et peuvent jouer un rôle important pour éviter de tels problèmes, en tenant compte des détails d’exécution dans leur projet. On constate par exemple souvent que des gaines d’aération sont placées juste à côté de l’évacuation des eaux de pluie. Il est compliqué d’étanchéifier cela correctement, d’autant plus quand ces éléments se trouvent trop proches d’une rive. Un autre exemple est celui d’une coupole contre un mur, avec trop peu d’espace entre ces éléments. Cela se justifie sans doute par l’aménagement de l’espace sous la toiture mais cause pas mal de difficultés pour le travail de l’entrepreneur d’étanchéité.

Pour permettre une bonne étanchéité, les concepteurs devraient prévoir au moins vingt centimètres d’espace libre tout autour des détails de toiture. Le CSTC dispose d’un document pratique dans lequel de nombreuses situations sont décrites en détail : la NIT 244 sur les ouvrages de raccord des toitures plates. Une information détaillée relative à des situations spécifiques est également disponible dans la banque de données sur le site web du CSTC (www.cstc.be/go/publications). Un excellent guide pour les architectes ! »

 

« Pour permettre une bonne étanchéité, les concepteurs devraient prévoir au moins vingt centimètres d’espace libre autour des détails de toiture. »

 

Raccords entre bitume et matériaux composites

« Lors des travaux d’étanchéité, il faut veiller à ce que les membranes (bitumineuses) soient parfaitement raccordées aux autres éléments constituant le toit.  De tels raccords se situent entre autres à hauteur des adaptations d’un toit existant, à la jonction entre une nouvelle toiture et une ancienne, ou encore dans le cas de raccords complexes traités avec une étanchéité liquide … Etant donné l’utilisation de plusieurs types de membranes d’étanchéité sur les toits plats, il faut tenir compte de la compatibilité entre les matériaux utilisés. Pas de problème en ce qui concerne les éléments bitumineux entre eux, mais le raccord entre bitume et matériau composite doit être garanti. Les bavettes de murs creux sont un bon exemple. On prévoit parfois des bavettes bitumineuses, mais lorsqu’on est en présence d’une bavette en EPDM, il s’agit de la coller d’une autre façon sur l’étanchéité bitumineuse du toit. La NIT 244 du CSTC décrit plusieurs techniques de raccord.  Des liaisons plus complexes peuvent être réalisées à l’aide de résines synthétiques liquides. »

 

Raccords contre les relevés

« Rendre un relevé étanche à l’eau comprend deux étapes : l’étanchéité de l’acrotère (la transition entre le toit plat et la paroi verticale) et la finition du relevé.  Dans le cas d'étanchéités bitumineuses, les bandes n'auront généralement que quelques mètres de large, afin de garantir un échauffement uniforme des bandes sur toute leur largeur. A la transition entre la toiture et le mur, les membranes d’étanchéité bitumineuses sont toujours dédoublées au moyen de bandes distinctes. Cette mesure est indispensable pour reprendre les mouvements différentiels entre le support et les rives de toiture ainsi que les déformations de l’étanchéité. Il semble évidemment plus simple de laisser l’étanchéité se poursuivre, mais, dans ce cas, on verra avec le temps des coins se détacher ou des joints se déchirer. Les angles peuvent être réalisés soit au moyen d’un chanfrein, soit au moyen d’une bande de renfort complémentaire posée en équerre.

Suivant les directives du CSTC, l’étanchéité du relevé doit dépasser d'au moins 15 centimètres le niveau fini de la toiture. De plus, l'étanchéité des reliefs doit remonter plus haut que le niveau des rives de la toiture ou des éventuelles gargouilles. Dans certains cas, il peut être nécessaire de prévoir en plus une fixation mécanique.

Le relevé doit de préférence être également étanche à l’air, pour éviter que la charge du vent sur l’étanchéité n’augmente trop. En présence d'une étanchéité bitumineuse et d'un pare-vapeur bitumineux, ce dernier sera remonté et collé ou soudé suffisamment haut sur le mur, de façon à pouvoir y raccorder la membrane d'étanchéité et à emprisonner complètement l'isolant. »

 

« L'expérience montre que l’étanchéité du relevé doit dépasser d'au moins 15 centimètres le niveau fini de la toiture. »

 

Murs creux et seuils

« Bien que le drainage du mur creux ne fasse normalement pas partie des travaux d'étanchéité, il convient cependant d'y accorder suffisamment d'attention. Une mise en œuvre incorrecte (choix du matériau, collage des membranes entre elles, support de la membrane et déchets de mortier dans la coulisse, différence de niveau, absence de joints verticaux ouverts pour l'évacuation des eaux, liaisonnement aux angles, etc.) peut occasionner d'importants problèmes dont l'origine exacte sera difficilement décelable.

La qualité des travaux d'étanchéité est également tributaire de la conception et de l'exécution du gros œuvre. La compatibilité entre la membrane de drainage de la coulisse et l'étanchéité de la toiture revêt une grande importance à cet égard. Un manque de soin dans la réalisation des ouvrages de détail peut donner lieu à des problèmes d'humidité à l'intérieur de l'habitation, en particulier dans le cas de façades orientées au sud-ouest, très exposées aux pluies battantes.

Les raccords avec des seuils requièrent également beaucoup d’attention. La hauteur de relevé de minimum 15 centimètres n’est souvent pas atteinte, avec toutes les conséquences que cela implique. Ainsi, les terrasses de toit accessibles aux moins valides ne peuvent présenter de différence de niveau avec le plancher intérieur. Heureusement, il existe des accessoires (comme par exemple des plots avec grille de drainage incorporée) ou des solutions sur mesure (amincir légèrement l’isolation à hauteur du seuil et compenser ailleurs) permettant de concilier les directives relatives à la hauteur des relevés avec le souhait d’éliminer toute différence de niveau entre intérieur et terrasse. Différentes solutions intéressantes sont décrites dans la NIT 244. »

 

Profilés de rive et couvre-murs

« Avant de placer des profilés de rive ou des couvre-murs sur des relevés de murs creux, il faut obturer la coulisse (par exemple avec des panneaux multiplex ou OSB résistants à l’eau). L’obturation sert de support à l'étanchéité de toiture et permet en outre de garantir une fixation correcte des profilés de rive.  L'étanchéité sera prolongée de manière à couvrir entièrement l'about de la costière. Les profilés en aluminium extrudé et ceux en matériaux composites seront fixés sur l’obturation de la coulisse au moyen de vis. Dans le cas d’une étanchéité bitumineuse, le profilé de rive sera emprisonné entre deux couches d’étanchéité. Par ailleurs, il convient de prendre des dispositions au droit des joints entre les profilés pour éviter la fissuration du revêtement. Par exemple en utilisant localement des bandes de glissement. On créera ainsi entre les profilés un petit rehaussement qui limitera l'encrassement de la façade. »

 

« Les raccords avec des seuils requièrent également beaucoup d’attention. La hauteur de relevé de minimum 15 centimètres n’est souvent pas atteinte, avec toutes les conséquences que cela implique. »

 

Joints de mouvement : une tâche pour le concepteur ?

« Voici un point important ! Afin d’éviter la formation de fissures et une déformation excessive, la structure porteuse doit comprendre suffisamment de joints de mouvement – de préférence au point le plus élevé du toit et avec un relevé pour limiter les risques d’infiltration d’eau. Le concepteur ne peut laisser cela au couvreur et doit donc le prévoir dans son projet. Il existe différentes possibilités en fonction de la situation particulière du toit. Les architectes pourront se baser sur de nombreux exemples décrits dans la NIT 244.

 

Fonctionnel versus esthétique

« Je souhaiterais terminer par un plaidoyer pour un peu de compréhension. Les architectes ont parfois des difficultés avec la finition moins esthétique des raccords. Dans certains cas, il est pourtant indispensable d’opter pour une solution dans les règles de l’art et de mettre de côté l’aspect esthétique au profit de la qualité de l’étanchéité. En prenant en compte les détails de toiture dans un projet bien pensé, les architectes ont la possibilité de faire en sorte que l’entrepreneur d’étanchéité ne doive pas faire du rafistolage pour rendre la toiture étanche à l’eau. »

 

« Afin d’éviter la formation de fissures et une déformation excessive, la structure porteuse doit comprendre suffisamment de joints de mouvement. Le concepteur ne peut laisser cela au couvreur et doit donc le prévoir dans son projet. »

Source: Bitubel
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