De la petite ville prospère qu’était Zichem au XIVe siècle grâce à l’industrie drapière, il ne reste aujourd’hui que quelques témoins silencieux. La Tour des Pucelles en est un, mais les désastres et les déboires ne l’ont pas épargnée : elle a payé un lourd tribut au temps, aux restaurations de piètre qualité et à l’abandon. Lorsque l’ouvrage en ruine s’est partiellement effondré en 2006, son sort semblait scellé. Heureusement, ce fut le signal de départ d’une opération de sauvetage complexe, qui allait durer près de dix ans... L'équipe de projet a rassemblé les architectes Marc Vanderauwera (Studio Roma) et De Smet Vermeulen architecten. La stabilité a été prise ne charge par le bureau d’ingénieurs Norbert Provoost.
La tour, légèrement fuselée, atteint une hauteur de 26 mètres. À la base, son diamètre est légèrement inférieur à 15 mètres et le mur a une épaisseur de 4,20 mètres. Il consiste en un parement intérieur et extérieur maçonné en grès de fer, et un remplissage en “béton médiéval” composé de pierres concassées et de mortier de chaux.
Le mur a cédé dans une zone trouée de fenêtres et de cages d’escalier intégrées. Plusieurs voûtes en ogive et certaines parties des étages se sont écroulées aussi. Avant d’envisager la restauration ou la reconstruction, il fallait empêcher que la tour s’effondre complètement. La solution temporaire consistait en une combinaison de treillis métallique et d’un corset de câbles de traction. Un système de surveillance enregistrait les déformations et les tassements.
Les différentes options et leurs conséquences techniques ont alors pu être examinées en détail. Ce qui subsistait de la tour pouvait-il encore être sauvé ? Comment reconstruire la brèche dans le mur et l’intérieur ?
Consolidation et accès
Le maître de l’ouvrage, l’Agence du Patrimoine immmobilier (Agentschap Onroerend Erfgoed) du gouvernement flamand, optait pour conserver et consolider la ruine, et la rendre accessible à la visite. La restauration devait en outre éviter de nouvelles détériorations et permettre d’utiliser la tour comme belvédère. La valeur patrimoniale de la Tour des Pucelles serait ainsi pleinement mise en valeur.
La restauration intégrale pour donner à la tour son aspect historique était toutefois impossible parce que le matériau de base, le grès de fer de Diest, est désormais trop rare, obligeant les concepteurs à accepter l’état de ruine. Par ailleurs, la réfection de la géométrie octogonale et ronde du bâtiment était la voie la plus indiquée pour assurer la stabilité. Techniquement, le concept de restauration retenu s’est traduit comme suit : la maçonnerie existante a été stabilisée par injection, tandis que toutes les réalisations pour remplacer les parties effondrées ont été exécutées en matériaux neufs : béton, brique, acier.
Mur existant
La dégradation du mortier de chaux au cœur des murs (infiltration, cycles de gel/dégel…) est à l’origine de cavités de plus en plus grandes au fil des siècles. Une carte en a été dressée à l’aide d’un appareillage spécial, qui enregistre les différences relatives de résistance électrique entre la pierre et l’air. Des carottages ont ensuite donné une idée des pourcentages de vide, qui atteignaient de 30 à 40 % par endroits.
Des essais d’injection ont été faits avec trois mélanges de coulis :
Après ces injections expérimentales, il a été décidé d’injecter entièrement les murs de ciment ultrafin. L’espace entre les voûtes maçonnées (non effondrées) et les sols ont aussi été injectés avec ce type de mélange.
Le cimentage des faces supérieures du mur a été renouvelé. Des tirants d’ancrage forés obliques à hauteur du départ des nervures répartissent les poussées latérales sur tout le pourtour du mur.
Nouveaux remplissages
Une structure en béton faite d’escaliers, de paliers et de voiles reprend la fonction constructive du système d’étançonnage temporaire. Les voiles remplacent les nervures disparues, les paliers sont reliés par des tirants d’ancrage forés. Les escaliers rendent la tour accessible et, des paliers, le visiteur peut voir les pièces historiques et leurs voûtes gothiques.
En même temps, l’escalier fait référence à la circulation verticale d’origine : il est intégré dans l’épaisseur du mur et se termine par un escalier métallique en colimaçon placé dans une tourelle conservée.
La nouvelle structure, réalisée en béton coulé sur place, respecte à la fois le cintrage du plan circulaire et le profil fuselé de la tour.
Au bas, il y a une console en béton sur laquelle repose le nouveau parement, réalisé en briques oblongues. À certains endroits judicieusement choisis, on a gardé des ouvertures qui laissent entrer un rai de lumière naturelle. Le niveau de la toiture a été complété et renforcé d’une dalle en béton, qui supporte une structure métallique avec une galerie panoramique et un auvent en porte-à-faux.