Construire à l'épreuve du feu n'est pas chose aisée. Législation, concertation avec les pompiers et matériaux adaptés ne sont que quelques-unes des pièces du puzzle. Faut-il choisir le béton, ou l'acier est-il une option plus sûre ? Architectura.be s'est rendu chez l'entrepreneur Mathieu Gijbels et a demandé à Gert Janssen, directeur Engineering & Développement de nous dévoiler les différences entre les deux matériaux.
Quels sont les principaux malentendus en matière de sécurité incendie ?
Janssen : Un premier grand malentendu est que le béton serait préférable à l'acier, au point de ne pas poser problème en cas d'incendie. Rien n'est moins vrai. Le béton est meilleur dans certains cas, l'acier dans d'autres. Et aussi bien le béton que l'acier peuvent céder sous l'action du feu.
Un second malentendu consiste à interpréter littéralement la résistance au feu : une résistance au feu de 60 minutes ne signifie pas la destruction totale du bâtiment après 60 minutes. Cela peut durer plus longtemps, comme cela peut aller plus vite ! Une résistance au feu d'une heure est une convention, alors que les vrais incendies se déroulent chaque fois selon une courbe différente. Des tests comparatifs ne sont pas faisables pendant un incendie réel, d'où la nécessité de conventions.
Quels sont les principaux avantages et inconvénients du béton en matière de sécurité incendie ?
Janssen : Le béton possède une résistance intrinsèque au feu élévée qu'il est possible d'améliorer en surdimensionnant légèrement ou en augmentant la couverture et en ajoutant des armatures. C'est un grand avantage. La plus gros inconvénient du béton vient du fait que la structure en béton s'effondre brusquement pendant l'incendie. L'effondrement s'annonce par un bruit mais il est alors trop tard.
Un autre désavange est que le béton s'écroule vers l'extérieur. Cela rend la tâche des pompiers encore plus dangereuse car il leur faut approcher le foyer au plus près. Une solution possible est de renforcer les fondations de la construction en béton.
Lors de feux violents et concentrés, l'inertie thermique du béton fait en sorte que le matériau continue à s'échauffer même après les travaux d'extinction, avec un effondrement comme conséquence. Le parking souterrain dans le village suisse de Gretzenbach en est un exemple célèbre. Après avoir éteint l'incendie, les pompiers pénétrèrent dans le parking. Peu après, le toit s'effondra, faisant hélas de nombreuses victimes.
Quels sont les principaux avantages et inconvénients de l'acier en matière de sécurité incendie ?
Janssen : Le grand avantage de l'acier est qu'il cède progressivement pendant l'incendie. On voit la structure se plier. La poutre de toiture entraîne les colonnes avec elle vers l'intérieur, au contraire du béton.
Le béton a une résistance intrinsèque au feu supérieure à l'acier. Cela veut-il dire qu'une protection supplémentaire est inutile si l'on opte pour le béton ?
Janssen : Il est exact d'affirmer que le béton possède une plus grande résistance au feu, de l'ordre d'une heure. Cela ne veut cependant pas dire que l'on ne doit pas prendre des mesures complémentaires si l'on souhaite obtenir une résistance au feu encore plus importante. Pour le béton armé, on peut atteindre une résistance au feu de 2 heures en ajoutant des armatures ou en augmentant la couverture. Il faut rester prudent avec le béton précontraint car c'est plus difficile d'augmenter la couverture. Une résistance au feu de 2 heures est envisageable mais c'est aussi nettement plus coûteux.
Comment protéger au mieux l'acier : bardage, peinture ou une combinaison des deux ?
Janssen: Une peinture ignifuge est moins coûteuse qu'un bardage mais le choix dépend de la situation. Ainsi, on peindra un hall industriel parce qu'un bardage serait plus vite abimé dans un tel contexte. Un inconvénient possible de la peinture ignifuge est l'effet peau d'orange. Un compromis esthétique consiste dans ce cas en une colonne creuse en acier remplie de béton, pour bénéficier de la résistance intrinsèque au feu de ce dernier. Il existe d'autres solutions moins souvent mises en oeuvre comme une émulsion de ciment que l'on projette sur le mur ou le surdimmensionnement de la structure en acier. Cette dernière n'est cependant pas la solution la plus économique.
A suivre dès la semaine prochaine...