‘Nobody leaves the party’ : le Recypark circulaire de Jette se réutilise lui-même (Babini Geysen & TEN)
Un parc à conteneurs qui se recycle lui-même. C’est la proposition des bureaux d’architectes Babini Geysen et TEN avec “Nobody leaves the party”, leur projet lauréat pour le nouveau Recypark à Jette. En misant au maximum sur la réutilisation des structures, des matériaux et de l’espace, ils donnent naissance à une expérimentation urbaine radicalement circulaire, mais aussi profondément généreuse envers le quartier. Le nom du projet devient ainsi un manifeste : personne n’est exclu – ni matériau, ni bâtiment, ni habitant.
La proposition de Babini Geysen et TEN part d’une lecture active du site existant, situé à la frontière entre un quartier résidentiel et le tissu industriel restant de Jette. L’équipe gagnante considère cette situation hybride non pas comme un problème, mais comme un potentiel. Les bâtiments présents sont envisagés comme des ressources spatiales ou matérielles. Ce qui est solide et porteur de caractère – comme les bâtiments d’angle en béton à arcades – est conservé et réaffecté. Ce qui est léger et facile à démonter – comme les hangars métalliques – est soigneusement démonté et transformé en nouveaux éléments constructifs.
Couverture flexible
Cette approche axée sur le matériau donne lieu à une stratégie à la fois marquante et cohérente : une nouvelle couverture au-dessus du quai de déchargement est entièrement construite à partir d’éléments récupérés sur place. La structure métallique des hangars, les panneaux de béton, les parements de façade – tous retrouvent une nouvelle vie dans une structure robuste mais modulable. Cette couverture n’est pas qu’un simple auvent : elle est une promesse structurelle pour l’avenir, extensible, adaptable, voire transformable en bâtiment.
Le paysage lui-même s’inscrit aussi dans une logique circulaire. Les espaces extérieurs ne sont pas réaménagés avec des matériaux neufs, mais démontés, réorganisés et réutilisés. Les dalles de béton sont sciées ou concassées pour servir de fondation ou de revêtement. Les zones désimperméabilisées sont replantées selon une stratégie subtile et écologiquement réfléchie, avec des jardins pluviaux et des buttes végétales qui régénèrent les sols, captent l’eau et stimulent la biodiversité.
Vision élargie de la circularité
L’organisation spatiale du site suit cette double logique de robustesse et d’ouverture. Côté résidentiel, le long de la rue Uyttenhove, les bâtiments historiques accueillent des fonctions ouvertes au public telles qu’un centre de dons et des espaces communautaires. Les fonctions plus logistiques – comme la zone de conteneurs – sont reléguées à l’arrière, dans une nouvelle topographie qui exploite les différences de niveau du site pour faciliter la circulation des camions tout en limitant les nuisances sonores.
Ainsi, le Recypark fait honneur à son nom : il ne recycle pas seulement les déchets, il se recycle lui-même. Les bâtiments existants sont réemployés, les matériaux sont revalorisés in situ, et la régénération écologique du sol et de la végétation s’inscrit dans une vision circulaire à long terme. Le confort est également repensé : les installations techniques sont réduites, la demande énergétique varie selon les usages, et la majorité des bâtiments reste low-tech, avec ventilation naturelle et énergies renouvelables.
Esthétique du réemploi
Cet engagement s’appuie sur un plan énergétique intelligent. Grâce aux panneaux photovoltaïques installés sur la structure de toit, le site couvre largement ses besoins énergétiques – au point de permettre la création d’une communauté énergétique avec le voisinage. Les capacités de stockage et l’infrastructure de recharge pour le personnel et les visiteurs complètent l’ensemble. Le projet se positionne ainsi comme une vitrine de développement urbain durable.
Dans son langage architectural, le projet revendique une “nouvelle esthétique du réemploi”. Les contrastes entre ancien et nouveau, entre matériaux bruts et interventions précises, ne sont pas gommés mais au contraire mis en valeur. Le lieu reste lisible comme une composition, un témoin vivant d’une pratique architecturale circulaire. Les ouvertures dans les façades deviennent vitrines. Les panneaux de toiture réemployés forment des portails. Chaque intervention contribue à une spatialité riche et signifiante – entre conservation, transformation et réaffectation. Le Recypark devient ainsi plus qu’un centre de tri : il incarne un récit vivant de soin, d’imagination et de valorisation de l’existant.